À la recherche de Jack (Mel Darbon)

À la recherche de Jack (Mel Darbon)

Résumé de l’éditeur

Rosie, seize ans, est atteinte de trisomie 21. Elle est choyée par ses parents, auprès desquels elle vit en Angleterre. Sa vie a changé depuis qu’elle a rencontré son premier petit ami, Jack, dont elle est éperdument amoureuse.

Mais Jack a des soucis et Rosie n’a plus le droit de le fréquenter. L’adolescente, parfaitement déterminée, décide de tout mettre en œuvre pour le retrouver et de quitter sa famille, à qui elle se garde bien de confier son plan d’évasion. Elle entame alors un long voyage, initiatique et périlleux. Rien ne semble pouvoir l’arrêter, mais rien, évidemment, ne se passe comme prévu…

Un roman d’apprentissage bouleversant, porté par l’écriture lumineuse de Mel Darbon.

Mon avis

J’ai eu un vrai coup de cœur pour ce roman qui met en vedette une héroïne atteinte de trisomie 21 avec beaucoup de justesse ! Je vous explique…

« Rosie aime Jack », mais Rosie est une jeune fille trisomique et Jack un garçon qui ne contrôle pas sa colère (à cause d’un problème au cerveau à sa naissance). Suite à un épisode particulièrement violent, Jack est envoyé dans un autre établissement. Une situation difficile pour Rosie, d’autant plus que son père lui cache les lettres que Jack lui envoie. La famille de Rosie l’encourage dans ce monde qui n’aime pas lui faire une place, mais la relation avec le père est tendue, car Rosie est amoureuse et c’est un réel problème pour lui. Il a du mal à accepter que sa propre fille, de surcroît handicapée, puisse avoir une vie amoureuse, voire sexuelle.

Rosie n’a pas de nouvelles de Jack et se pose des questions : l’aime-t-il encore ? Pense-t-il à elle ? Elle est dévastée et lorsqu’elle découvre enfin les cartes postales de son amoureux et son adresse, elle n’a plus qu’une idée en tête : le rejoindre. Les parents de cette dernière refusent qu’ils se revoient car ils ont peur que Jack finisse par blesser Rosie. Or, c’est grâce à Rosie que Jack sait se tempérer, et c’est grâce à Jack que Rosie trouve le courage d’être indépendante et forte malgré son handicap, dont elle est consciente. Elle va donc décider de fuguer de chez elle afin de retrouver Jack.

« Quand j’ai rencontré Jack la première fois, il a chassé mon solitaire dedans. Le soleil est entré dans ma tête, des ailes ont poussé sur mon cœur et m’ont emmenée jusqu’à la lune. J’étais la vraie Rose. J’étais plus Rose, Papa, qu’avant de rencontrer Jack. Sans lui, mon soleil est couvert de nuages et à l’intérieur de moi il n’y a que de la pluie. Jack me fait grande comme le ciel et courageuse comme le lion et je fais s’envoler le furieux de Jack. Sans lui je ne suis pas Rose, je suis disparue. »

Rosie se lance dans la grande aventure : elle va prendre les transports en commun par elle-même et se retrouver à Londres toute seule. Elle croise sur son chemin plusieurs personnes bienveillantes mais aussi des profiteurs, des personnes malveillantes et dangereuses. Si ce roman est classé en jeunesse, il aborde tout de même des thèmes très difficiles et plusieurs fois j’ai eu peur pour Rosie. Sa naïveté l’empêche en effet de comprendre qu’une situation est dangereuse pour elle. Cependant, Rosie a une certaine dose de lucidité, elle écoute son ressenti et est extrêmement forte. Elle arrive à positiver, à trouver le courage dans des situations qui pourtant sont très dures et violentes à vivre (Rosie tombe sur un proxénète qui va essayer de la séquestrer chez lui).

Les héros handicapés sont rares dans les romans. On voit de plus en plus d’autistes ou de jeunes ayant des troubles autistiques, mais je n’ai jamais vu de trisomique portant le haut du pavé. Une des grandes forces de ce roman est que c’est Rosie qui raconte sa propre histoire. Son style est un peu déroutant, mais authentique et empli d’humanité. Par exemple, on est amené à lire des phrases parfois sans espace pour symboliser la vitesse de ses paroles. Elle ne comprend pas le second degré et les expressions figurées ; c’est vraiment intéressant de découvrir comment Rosie perçoit le monde. Elle a son langage bien à elle et même en cas de crise, elle arrive à mettre les bons mots sur ses émotions. Sa grand-mère lui a appris à mettre « sa casquette à penser » pour réussir à réfléchir posément lorsqu’un problème survient et que tout se mélange dans sa tête. Chaque mot est une image et les émotions sont alors appelées telles qu’elles : mon solitaire, le furieux, le triste, mon courageux. Le roman permet une double lecture car Rosie décrit avec naïveté certains faits qui nous font parfois craindre le pire (elle n’a pas la faculté de discerner les êtres humains bienveillants et ceux qui essayent de profiter de sa vulnérabilité).

Ce roman est aussi avant tout une ode à la différence, à l’acceptation d’autrui et au regard que l’on peut avoir sur certaines personnes handicapées. Si Rosie est atteinte du syndrome de Down, elle ne se définit par pour autant comme une personne trisomique. Elle est avant tout Rosie, cette jeune fille de 16 ans qui ne cherche que la douceur et l’amour de sa famille et de son petit copain.

« Avant tout, Rose, tu es un être humain. On aime pareil… on pense pareil. Et on est aussi importants les uns que les autres » Les mots dans ma tête sont les mêmes que les tiens. Quelquefois, ils sortent juste un peu de travers. »

L’histoire invite aussi à accepter l’aide des autres même lorsque l’on pense ne pas en avoir besoin. Plusieurs fois Rosie va refuser de l’aide, voulant prouver qu’elle est indépendante, mais blessant sans le vouloir les personnes qui veulent juste se montrer attentionnées envers elle.

J’ai aimé Rosie pour le réalisme de sa représentation : l’intensité de ses émotions, la façon de s’ouvrir aux autres sans aucun filtre, sa détermination, son envie d’être indépendante, de réussir à faire tout toute seule, de se montrer forte tout en sachant sa différence et les réactions qu’elle peut provoquer chez les autres. Mais plus encore, c’est l’universalité de l’histoire de Rosie : elle veut retrouver son amoureux. Qu’importe son handicap, elle essayera coûte que coûte d’atteindre son but. Si tout paraît « facile » au premier abord dans la fuite de Rosie, avec tous ces Londoniens sympathiques et aidants, les choses se gâtent lors d’une malheureuse rencontre et le roman se transforme alors en thriller. À ce moment-là, Mel Darbon crée une atmosphère qui fonctionne assez bien : on a peur de ce qui pourrait arriver à Rosie, on prie pour que ça n’arrive pas. C’est la partie la plus sombre du roman, mais c’est sans aucun doute celle qui lui permet de nous tenir en haleine vraiment jusqu’au bout. Rosie retrouvera-t-elle Jack ?

À la recherche de Jack est un roman unique par son personnage et son sujet audacieux, mais aussi l’universalité de son histoire d’amour. Il est également unique pour la place qu’il donne au personnage handicapé, souvent caché dans nos sociétés (et ce, sur bien des plans, notamment celui de l’amour ou de la sexualité).

Le +

  • Rosie est une héroïne très attachante et difficile à oublier. Sa façon de s’exprimer nous permet de plonger dans sa vision du monde avec une grande justesse.
  • J’ai beaucoup aimé l’amour qui unit Rosie et Jack : sincère, innocent, enfantin, mais très fort. Ils s’aiment et veulent le prouver à leurs familles respectives coûte que coûte. Leur amour est beau, tout simplement.
  • Cette lecture sort des sentiers battus : l’héroïne est trisomique, ça décoiffe !
  • La couverture du roman est très belle et reflète bien l’attitude de Rosie face au monde.

Le –

Le langage de Jack bourré de fautes d’orthographe est parfois ardu à lire, mais il est réaliste.

Le coin des profs

Le roman est vraiment intéressant pour faire comprendre aux jeunes la différence et la trisomie 21. Une très belle porte d’entrée pour des débats bien riches…

Niveau de lecture

Intermédiaire

Genre

Récit réaliste

Mots clés

Amour, autonomie (des personnes handicapées), différence, discrimination, famille, fugue, handicap, trisomie

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Simple, Marie-Aude Murail

Infos pratiques

  • À partir de 15 ans
  • Helium
  • 258p.
  • 16€
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