Dis-moi si tu souris (Éric Lindstrom)

Dis-moi si tu souris (Éric Lindstrom)

Résumé de l’éditeur

« Je suis Parker, j’ai 16 ans et je suis aveugle. »

« Bon j’y vois rien, mais remettez-vous : je suis pareille que vous, juste plus intelligente. D’ailleurs j’ai établi Les Règles :

– Ne me touchez pas sans me prévenir ;

– Ne me traitez pas comme si j’étais idiote ;

– Ne me parlez pas super fort (je ne suis pas sourde) ;

– Et ne cherchez JAMAIS à me duper.

Depuis la trahison de Scott, mon meilleur pote et petit ami, j’en ai même rajouté une dernière. Alors, quand il débarque à nouveau dans ma vie, tout est chamboulé. Parce que la dernière règle est claire : Il n’y a AUCUNE seconde chance. La trahison est impardonnable. »

 

Mon avis

Lorsque j’ai lu le résumé de l’histoire sur la 4e de couverture, j’ai tout de suite été attirée par ce livre. Ayant eu dans ma vie un proche gravement handicapé, je me suis sentie directement concernée par le thème, mais j’ai éprouvé directement une réaction de méfiance : est-ce que l’histoire n’allait pas verser dans le mélo avec un thème pareil ? La réponse est non, je n’ai pas été déçue, je me suis même amusée à la lecture de ce roman. Explications…

Parker est aveugle depuis ses 6 ans suite à un accident de voiture qui, en plus de lui avoir coûté la vue, lui a aussi coûté sa mère. Lorsque le récit débute, son père est mort il y a quelques semaines, dans des circonstances un peu floues (on ignore si c’est un accident ou un suicide). Sa tante vient alors emménager chez elle avec ses enfants ; Parker doit donc non seulement affronter son deuil, mais aussi apprendre à vivre avec cette famille lointaine qui gère un peu maladroitement son quotidien d’aveugle. Depuis que Scott, son meilleur ami et premier amour, s’est joué de ses sentiments, elle s’est enfermée dans une carapace où une grande gueule et un humour piquant lui servent de protection.

« Aujourd’hui, j’ai choisi un foulard en soie blanche avec une grosse croix noire sur chaque œil. C’était soit ça, soit mon hachimaki avec « vent divin » écrit en kanji, mais je n’ai pas voulu embrouiller les nouveaux en envoyant un message contradictoire. En revanche, je crois que j’ai eu tort de laisser ma veste à la maison. D’habitude, je porte une veste militaire usée dont j’ai coupé les manches, couverte de badges que mes amis m’ont offerts au fil des années. Avec des slogans du style « Oui, je suis aveugle ! Vous vous en remettrez ! » ou « Aveugle, mais ni sourde ni demeurée », et mon chouchou : « Parker Grant n’a pas besoin d’yeux pour lire en vous ! » Tante Célia m’a dissuadée de la mettre ce matin en disant que ça déstabiliserait les anciens de Jefferson, qui ne me connaissent pas. Il s’avère qu’elle a eu tort. Ils ont visiblement besoin qu’on les déstabilise. »

Dotée d’un esprit d’analyse aiguisé par sa cécité, Parker met constamment à l’épreuve son entourage et s’auto-exclut des groupes pour se protéger. Elle s’est trouvé un refuge, la course à pied, qu’elle pratique incognito tous les matins. La vie n’est pas simple pour elle, mais elle se complique encore plus lorsque Scott refait son apparition et qu’un professeur d’athlétisme lui demande de faire partie de son équipe…

A priori, le résumé du roman peut donner l’impression que l’on va lire une histoire pesante, mais il n’en est rien. On est bel et bien plongé dans un univers typiquement adolescent où les premières amours, les joies et déceptions amicales, les problèmes d’apparence tiennent le haut du pavé. Le récit aborde des thèmes graves avec beaucoup de simplicité, il entremêle des moments de drame, de fous rires, de complicité, d’amour, de doutes, de remises en question, avec une grande justesse. Les rebondissements de l’histoires sont relatés avec un tel naturel que l’on suit le mouvement avec une facilité déconcertante.

L’auteur a réussi le délicat pari d’aborder des réalités de la vie difficiles (la mort, la solitude, le handicap, le sacrifice), dans un récit léger et bourré d’humour, où la vie terriblement imparfaite et douloureuse est rendue acceptable et même belle. J’ai beaucoup apprécié le personnage de Parker : c’est une jeune femme forte et déterminée, qui apprend à écouter et déchiffrer les autres à travers ce qu’elle entend. Parker étant aveugle, sa perception du monde qui l’entoure n’est pas superficielle, elle est différente. Il n’y a pas de longues descriptions physiques des personnages, mais plutôt des portraits psychologiques esquissés à travers le ressenti de l’héroïne.

Son cynisme et son impertinence cachent ses failles, son chagrin et ses tourments, elle nous apparaît profondément humaine car faillible et sensible. L’amitié et l’amour vont la confronter à ses erreurs et la rendre plus attentive car, si Parker est capable de voir clair dans le jeu des gens, elle n’en reste pas moins un être humain qui peut se tromper et être aveuglée par ses ressentiments. Lorsqu’elle découvre que son aveuglement n’est pas uniquement physique, mais qu’il touche aussi les gens qu’elle aime, le récit atteint un niveau de profondeur assez intéressant.

Dis-moi si tu souris est un roman gai et lumineux qui nous offre une belle leçon de vie, loin des clichés habituels. Un roman qui nous fait relativiser les petits tracas du quotidien. Bref, un roman à lire !

 

Le +

  • Le thème du handicap est peu traité en littérature de jeunesse. Ce récit vient combler un manque.
  • Le personnage de Parker est intéressant : c’est un petit bout de femme forte, qui accepte sa cécité et les deuils qu’elle traverse, on ne tombe à aucun moment dans le mélo.
  • L’histoire racontée est drôle et profonde, elle nous donne à lire des personnages bien vivants.
  • Le récit est fluide, il n’y a pas de temps mort ou de longueur, on le lit très rapidement.
  • L’histoire se termine bien et on en a besoin.

 

Le –

  • Je n’en vois pas. Peut-être une fin un peu plus aigre-douce ?

 

Le coin des profs

  • Ce roman est une bonne entrée en matière à la situation de handicap et aux problèmes y afférents (l’infantilisation des handicapés, le manque d’infrastructures adaptées, le besoin d’indépendance des handicapés malgré l’entourage indispensable).

 

Infos pratiques

  • À partir de 13 ans
  • Nathan
  • 396p.
  • 16,95€

 

Partager sur vos réseaux sociaux
Les commentaires sont clos.