Gorilla girl (Anne Schmauch)

Gorilla girl (Anne Schmauch)

Résumé de l’éditeur

J’ignore quelle grognasse de fée s’est penchée sur mon berceau il y a 21 ans, mais j’ai un talent certain pour la baston. Le problème quand tu es une meuf et que tu as le coup de poing facile, c’est que, niveau mecs, tu es condamnée au supplice de Tantale. Ma mère pense que je vais droit dans le mur, avec mes conneries – en même temps, elle est flic… alors forcément, on a deux trois divergences de vue. Et puis c’est complètement faux ! Ma vie est pleine de projets sérieux : faire la fête avec mes amis, recouvrir Paris de graffs anarchistes, draguer avec la finesse d’un char d’assaut, renverser le patriarcat, soigner mon look de leadeuse d’un groupe punk… De toute façon, je suis sûre que si je fonce assez fort dans le mur, j’arriverai à passer au travers. Et qui sait ce qu’on trouve, de l’autre côté… L’amour ? Mouais. L’amour, c’est comme les grenades de désencerclement : ça finit toujours par t’exploser à la figure.

Mon avis

Le roman s’ouvre sur un sacré quiproquo : une partie de jambes en l’air avec la mauvaise personne ! Comment est-ce possible, me direz-vous ? Parce que c’est Léone et parce qu’elle a quand même un peu la poisse, alors croyant que Viktor le suivait dans cette chambre, juste avant la nouvelle année, elle n’a pas vérifié une fois dans le noir. Et Bastien, croyant suivre Delphine, n’a pas vérifié non plus. Alors le noir et l’alcool aidant, c’est arrivé. Et puis l’absence de phrases articulées n’a donné aucun indice. C’est une scène drôlatique qui ne manque pas de donner le ton de l’histoire dans laquelle nous entraîne Anne Schmauch !

« Le lendemain gueule de bois – à tout point de vue. Nous sommes dans le métro, Pauline, Céleste et moi, avec tout notre barda de guitares et d’amplis. J’achève de leur raconter la pitoyable histoire de mon ratage d’hier.

Quand je prononce le mot « couilles », une femme aux allures de bourgeoise coincée se lève pour changer de place après m’avoir jeté un regard outré.

– Remballez votre mépris ! Tout le monde peut se tromper de mec, non ?! Au moins, je m’en suis aperçue tout de suite ! Il y en a qui s’en rendent compte trente ans trop tard…

La pimbêche sort du métro au triple galop. Mes copines n’ont pas moufté ; elles me fixent avec une expression de fascination teintée d’horreur. « 

Vous n’allez peut-être pas me croire, mais c’est avant tout un roman féministe, dans le sens où on assiste à des scènes de femmes fortes, qui mettent à bas des skinheads persuadés que la famille, c’est un papa et une maman, que la femme doit faire la cuisine et surtout la fermer, et pour ça, Léone n’est pas très douée, mais je dirais que c’est surtout un roman de son époque où les femmes sont libérées.

« Il retire aussitôt son manteau et le jette en tas à ses pieds. D’un geste souple, il enlève son pull. Le tee-shirt vient avec. Les lampadaires du pont l’éclairent juste assez pour révéler une peau mate ciselée en muscles précis.

– Ah ouais, putain, le mec…

Mona tique :

– Tu fais quoi, Octave ?

Ben, ça se voit, non ? Il se désape, et c’est assez magique.

– Je vais chercher le sac.

Ensuite, il vire ses chaussures, chaussettes puis défait sa ceinture sans hésitation. Un bruit de boucle, et son jean tombe sur ses talons. Il s’en débarrasse d’un coup de pied.

Caleçon bleu foncé.

Cul prodigieux.

Céleste me donne un coup de coude, des fois que je n’aie pas remarqué quel genre d’animal s’agite sous nos yeux en clair-obscur.

Mona grogne :

– Tout va comme vous voulez, les dindes ? Vous croyez que c’est le moment ?

Mince, c’est vrai que l’ambiance n’est pas trop au strip-tease…

– Laisse tomber, dit Pauline. Quand elles voient une paire de pectoraux en liberté, tu les perds pour la journée. Lancées en orbite autour de la planète « fantasmes ». « 

Les personnages que nous découvrons sont hauts en couleurs : il y a Céleste la libertaire, profitant de parties de jambes en l’air comme on dégusterait un chocolat ; Pauline, la lesbienne qui a bien envie de profiter de la vie et accessoirement batteuse du groupe de punk ; Mona, en pleine préparation d’une thèse sur les batraciens et ayant découvert un hallucinogène aussi puissant que le LSD ; ces jeunes femmes m’ont tour à tour étonnée, fait rire, mais m’ont fait aussi l’effet d’une bouffée d’air frais avec leur joie de vivre, leur franchise et leur façon de ne pas se laisser marcher sur les pieds.

Revenons à l’héroïne, Léone. Elle est bassiste dans un groupe punk formé avec Céleste et Pauline, un groupe d’abord appelé Les Gonzesses puis Les Clitos, ensuite Les Porkasses et enfin Les Juicy Pussy, en soutien aux Pussy Riot. Toutes les trois sont harcelées par des gros bras d’extrême droite, le Groupuscule qui recrute dans un club de hockey sur glace et s’évertue à pourrir leurs concerts. Depuis qu’elle s’est rasée au-dessus des tempes, Léone est fâchée avec sa mère. Il faut dire que celle-ci est capitaine à la Brigade de Répression du Proxénétisme. De plus, Roland, le frère jumeau de Léone, est CRS, et Stéphane, son beau-père, surnommé Ball-Trap, est flic aussi mais en congé car victime de stress post-traumatique. Difficile et courageux pour Léone de se libérer de ce carcan familial !

« – On n’a embarqué aucune féministe, vous êtes contents ? N’empêche : Léone, la prochaine fois que tu te trouves sur ma route dans une manif, je te matraque la tête. Tu verras ce que c’est, la violence policière.

– Brrr, je tremble.

Oups : la goutte d’eau. Dans un cri de rage, il me saute dessus. Il m’empoigne par les cheveux et me traîne au milieu de la pièce. Il essaie de me coller des coups de poing, tandis que je lui balance des coups de genou.

Ball-Trap nous supplie d’arrêter. Ma mère est à deux doigts de tirer en l’air. Finalement, elle me traîne par le col, et Ball-Trap saisit Roland par l’élastique de son caleçon.

On se rassoit tous.

– Voir mes enfants se déchirer me blesse profondément, murmure Ball-Trap.

– Vous êtes complètement cons ! aboie maman.

On s’insulte un peu, Roland et moi, puis on reprend là où on en était. Tartine de beurre pour ma mère. Spuitch de bulots pour moi. Sourire bienveillant pour Ball-Trap. Mauvaise humeur pour mon frère.

Brusquement, ma mère me retire le plateau de coquillages. Elle me fixe droit dans les yeux, et je note qu’elle a le visage avenant du fourgon blindé qui va donner l’assaut.

– Tu crèches où en ce moment, Léone ?

La question est tombée au milieu de rien, quand je m’y attendais le moins. Ma mère fait toujours ça quand elle a quelque chose à demander. Technique de flic, je suppose.

A technique de flic, technique de flic et demi : j’use de mon droit au silence, comme en garde à vue.

Ma mère ne lâche pas :

– On sait que tu n’es plus chez Madame Castard. Elle a appelé pour qu’on lance des recherches pour son chien.

– Et ? Vous avez lancé des recherches ?

– Bien sûr que non ! On a déjà du mal à retrouver les enfants perdus, on va pas se mettre à chercher des clébards dégénérés, putain ! Manquerait plus que ça ! Pourquoi pas nous demander de chercher des hamsters !?

Elle termine sa phrase en tapant du poing sur la table. Les assiettes sursautent, et elle repart de plus belle.

Bordel, je suis ta mère, j’ai le droit de savoir où tu vis ! Ne m’oblige pas à employer les moyens dont je dispose dans le cadre de mes fonctions professionnelles pour obtenir des informations sur ta vie personnelle ! « 

Tout y est pour faire de ce roman destiné aux ados et aux adultes un récit haletant car, de rebondissement en catastrophe, de fâcherie en réconciliation, on suit partout et avec plaisir Léone en quête d’amour avec Octave. L’histoire avait débuté très fort, l’héroïne faisant l’amour dans le noir avec un amant passionné qu’elle croyait être Viktor mais tombant finalement amoureuse d’Octave à qui elle a donné un coup de poing lors de leur 1ère rencontre. J’adore !

Vous l’aurez compris, la vie de Léone n’est pas toute rose. Lorsqu’elle perd le chien qu’elle est censée promener tous les jours, elle perd la chambre de bonne où elle habitait et va squatter un immeuble en attente de démolition avec des jeunes un peu paumés. Léone navigue à vue au jour le jour et s’adapte aux différents revers de la vie avec sa fougue de lionne et ses réparties défensives et authentiques. On n’a le temps de s’ennuyer avec elle !

Si Léone est une Gorilla Girl, elle est avant tout une jeune femme qui s’exprime, ne cache pas ce qu’elle pense et surtout, se fait respecter, même par un des plus gros criminels du quartier. Vous l’aurez compris, j’ai eu un gros coup de cœur pour ce roman. J’ai tout aimé : le ton brut de décoffrage, les personnages entiers et attachants, l’histoire d’amour houleuse, l’héroïne qui pourrait être une amie un peu folledingue mais complètement géniale, son côté féministe, anarchiste et revendicateur. Un roman à la fois léger et profond aux accents du XXIe siècle, à l’argot punk, aux propos électriques et à l’aventure abracadabrante. À lire pour oser sortir du cadre !

« C’est quoi cette histoire de « pas le premier soir ». Je ne te félicite pas. Encore un truc pour brider les filles. Le sexe, c’est sacré pour les demoiselles mais récréatif pour ces messieurs, c’est ça ? La fille est supposée réfréner ses désirs. Le mec, lui, non. En revanche, il est doté de l’étonnant pouvoir de te transformer en salope si tu cèdes à ses avances ? Pas mal ! Belle construction sociale ! »

Le +

J’ai aimé tout ce que je viens de dire plus haut, je ne vais pas le répéter, mais ce que j’aime le plus dans ce roman, c’est qu’il est original et qu’il va déranger les coincés. J’aime beaucoup !

Le –

J’ai du mal à trouver quelque chose. Peut-être que l’héroïne part un peu trop au quart de tour ? En même temps, ça a un côté cathartique…

Le coin des profs

Euh… Si vous faites lire ce roman en classe, il va réveiller des consciences, mais vous ne savez pas comment elles vont se manifester. Vous voilà prévenu(e)s !

Niveau de lecture

Avancé

Genre

Récit réaliste (avec une pointe de burlesque et de thriller)

Mots clés

Anarchiste, amitié, amour, classes sociales, délinquants, ennuis, famille, féminisme, marginaux, menace, pauvres, punk, riches, violence

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Dysfonctionnelle, Axl Cendres

Infos pratiques

  • À partir de 15 ans
  • Sarbacane
  • 369p.
  • 16€
Partager sur vos réseaux sociaux
Les commentaires sont clos.