L’engravement (Eva Kavian)
Dans son nouvel opus, Eva Kavian nous donne à lire des fragments de vie de personnages qui se croisent dans l’allée menant à un asile psychiatrique où leur enfant est admis suite à une tentative de suicide. Nous sommes amenés à palper le quotidien de ces êtres dont la vie s’est arrêtée, ponctuée par les visites et marquée par la fin de la tranquillité. Ces parents désormais obsédés par leur enfant en rupture avec la vie sont traversés par des émotions très fortes : ballotés entre la colère, le chagrin, la honte, la culpabilité et un profond sentiment d’impuissance, ils apprennent les vertus de la patience et de l’espoir ténu. Au bord de l’épuisement, nous les voyons lutter pour « vivre avec ».
Bonjour mon chéri (c’est bien ou pas bien de dire mon chéri à son fils de vingt-trois ans ?) je suis contente de te voir (je ne suis pas oppressante, là ?) comment vas-tu aujourd’hui (intrusive ?) Papa n’a pas pu venir mais il t’embrasse (c’est vrai qu’ils sentent quand on ment ?) ne t’inquiète pas je n’ai plus mal (ne pas dramatiser, de toute façon « il ne ressent pas les choses comme vous »). Tu hésites. Est-ce un jour où tu peux le toucher ? Vos corps se rapprochent, mais vous n’allez pas l’un vers l’autre. L’autre en toi n’existe plus pour lui. Ça veut dire quoi ? Et l’autre en lui, c’est qui ? Il est devenu qui ? Quoi ? Pourquoi ? Pourquoi lui ? Toi ? Tu l’as porté dans ton ventre, tu as marqué chaque centimètre de sa croissance sur l’embrasure de chêne, tu as raconté les histoires, chanté les comptines et un jour il est devenu fou.
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