Les fantômes de Théodore (Martine Rouhart)

Les fantômes de Théodore (Martine Rouhart)

Comme tous les dimanches, Charlie rend visite à son père Théodore. Ces deux-là sont unis par une belle complicité où les mots sont superflus : contemplatifs, ils aiment se gorger des petites contingences de la vie.

Nous aimons les mêmes choses immatérielles et un peu inutiles, le roucoulement des tourterelles, le vent dans les feuilles, la couleur du ciel avant l’aube. Nous aimons souvent ne rien faire, dans le silence, sans nous ennuyer. Juste le plaisir d’être ensemble. Entre lui et moi, c’est une complicité tendre, tissée d’évidences qui ont la texture de ce qui nous relie aux arbres et à la terre. […] J’ai choisi de lui apporter cette fois un volume sur les Animaux de nos campagnes, déniché dans une bouquinerie située près de chez moi, où j’ai mes habitudes. Il le feuillette une minute, me remercie comme si c’était un présent unique et extraordinaire et le met de côté, l’air ailleurs, songeant déjà à autre chose qu’il ne dit pas. Il est souvent comme ça, mon père, on ne sait pas toujours à quoi il pense. Une lueur se dilue au fond de ses yeux et le voilà parti… ne laissant que la fixité de son regard sur l’invisible. Une marée l’emporte au loin, il faut seulement attendre le ressac.

Aujourd’hui, Charlie accomplit son rituel dominical sereinement, mais elle découvre avec surprise une maison paternelle bien rangée et vide. Ce départ impromptu ne ressemble pas à l’image que Charlie a de son père. Après avoir traversé une phase de colère et d’inquiétude, elle décide d’attendre patiemment le retour du fugitif. Ce dernier revient les yeux cernés, Charlie comprend instantanément le besoin d’espace et de silence de son complice. Petit à petit, les mots se délient : Théodore a emmené dans un studio Kamal, un patient soudanais sans papier rencontré dans l’hôpital où il travaille. Il veut lui éviter un séjour très probable dans un centre fermé.

Pour lire la suite: https://le-carnet-et-les-instants.net/2020/03/05/rouhart-les-fantomes-de-theodore/

Partager sur vos réseaux sociaux
Les commentaires sont clos.