Sur le vif (Elizabeth Acevedo)

Sur le vif (Elizabeth Acevedo)

Résumé de l’éditeur

Emoni a de l’or au bout des doigts. Entre ses mains, saveurs et épices composent des plats incomparables. Mais Emoni a aussi une petite fille de 2 ans et elle jongle entre son rôle de jeune mère, les cours au lycée et le travail le soir pour aider sa grand-mère à payer les factures. Emoni a 17 ans, et elle ne pense pas qu’elle pourra continuer ses études, ni devenir cheffe dans un restaurant. Dans sa vie faite de responsabilités, il n’y a pas de place pour rêver. L’ouverture dans son lycée d’un nouveau cours d’arts culinaires pourrait bien lui permettre de déployer son talent et de trouver la force en elle d’accomplir son rêve…

Mon avis

Emoni est une lycéenne de 17 ans qui vit à Philadelphie dans un quartier populaire, en harmonie avec sa grand-mère depuis sa plus tendre enfance. Elle n’a pas connu sa mère, décédée à sa naissance, et son père vit loin d’elle à Porto Rico, ne revenant que quelques jours chaque année.

Au début du récit, c’est la rentrée, en route vers la dernière année de lycée pour Emoni, mais c’est aussi le premier jour de crèche pour Emma, dite « Babygirl ». Emoni n’est pas qu’une lycéenne, c’est aussi une jeune maman d’une petite fille de deux ans et en plus de cette vie déjà bien remplie, elle travaille chez Burger hit pour aider sa grand-mère à payer les factures.

Ce n’est pas facile tous les jours de cumuler trois vies à l’âge où les autres jeunes filles sortent avec leurs copains et se demandent quel fac les acceptera l’année suivante, mais Emoni a une passion depuis son plus jeune âge : la cuisine, et plus particulièrement les mélanges de saveurs qu’elle invente, puisant dans ses origines afro-américaines et portoricaines, s’inspirant de recettes que lui envoie sa tante et qu’elle revisite à sa manière, alliant « à l’instinct » épices et ingrédients trouvés dans les placards de la cuisine.

Alors quand son lycée propose une option « arts culinaires » qui semble faite pour elle et lui offrirait en plus l’opportunité d’un séjour en Espagne pour y découvrir la gastronomie hispanique, elle est sur le point de réaliser un rêve. Mais ce rêve a un coût et implique des sacrifices pour Emoni : il faudra travailler plus d’heures au lycée et aussi chez Burger Hit pour payer ce voyage, nourrir sa fille et assurer les charges du quotidien. Elle sera heureusement épaulée par sa grand-mère qui l’a élevée comme sa propre fille.

J’ai aimé le subtil parallèle que l’autrice fait entre la relation qui unit Emoni et sa fille , et Emoni et sa grand-mère, rappelant le rôle important de cette dernière dans la vie de l’adolescente. Il faut dire qu’Emoni a bien eu besoin du soutien de son aïeule, qui a toujours fait de son mieux pour l’élever selon de belles valeurs, malgré ses faibles moyens.

« – Tu vas pas me demander pourquoi je suis pas en cours ? je finis par articuler.

‘Buela continue à contempler Babygirl par la fenêtre.

-Dans deux mois, tu seras majeure. Je te fais confiance pour t’occuper de cette enfant, alors je te fais confiance pour t’occuper de toi-même.

Même si sa confiance devrait me booster, je ressens un pincement dans ma poitrine. Chaque jour qui passe, ‘Buela semble se mettre un peu plus en retrait, pour me laisser les rênes pas seulement de la vie de Babygirl, mais de la mienne aussi. Et je sais que cette liberté-là devrait me plaire, mais j’ignore si je suis prête à sauter sans aucun filet. Elle ne voit pas que j’ai encore besoin d’elle ? Que j’ai besoin de quelqu’un pour m’expliquer comment s’imbriquent tous les petits morceaux de ma vie ? »

L’argent, ou plutôt le manque d’argent, prend d’ailleurs une certaine place dans le roman, cette question menaçant l’avenir d’Emoni, car si la jeune fille, qui fait des étincelles en cuisine et dans son cours d’arts culinaires, rêve de devenir cheffe et d’éventuellement aller à la fac, elle doit, en plus du lycée, travailler pour aider sa grand-mère financièrement.

À ce moment-là, un nouvel élève très charmant débarque dans la classe d’Emoni, il est très vite attiré par elle, de prime abord plutôt inabordable (« on ne sera pas amis », lui assène-t-elle d’emblée). Ce nouvel élève va, petit à petit, faire fondre les barrières qu’Emoni a dressées entre elle et les autres, mais surtout entre elle et les garçons. Malachi est un jeune homme qui a connu un drame, mais il est bienveillant, amusant, tendre, compréhensif et lumineux ; le lien qu’il tisse patiemment avec Emoni fait plaisir à voir.

Même si elle n’est plus avec Tyrone, le père de son bébé, Emoni lui reste fidèle par confort. Nous la suivons, ainsi que ses camarades, pendant cette année scolaire décisive, où ils passeront les fameux tests qui détermineront dans quelles facs ils pourront postuler. Parmi ces camarades, il y a Angelica, la meilleure amie d’Emoni depuis de longues années, elles se soutiennent mutuellement dans les moments difficiles. On rencontrera aussi des professeurs attentifs et bienveillants comme on aimerait en voir souvent auprès des enfants.

À cet égard, j’ai été un peu étonnée par le comportement du papa de Babygirl dont Emoni est séparée: il semble aimer sa fille et prendre plaisir à s’en occuper durant son droit de garde, mais c’est bien sur Emoni que repose toute la charge mentale et financière, une situation qui reste une réalité pour bien des mères célibataires. On notera aussi la jalousie déplacée de Tyrone, qui n’hésite pas à multiplier les relations, mais qui ne supporte pas qu’un garçon s’approche de la « mère de sa fille » et de sa fille. Heureusement, de fil en aiguille, Emoni saura se détacher des attentes de chacun et rappeler qu’elle n’est pas que la mère d’Emma, elle est aussi une jeune femme et une cuisinière à l’avenir prometteur.

Elizabeth Acevedo nous donne à lire un récit fluide et rythmé abordant sans pathos des thématiques importantes. C’est un chouette roman qui fait du bien.

Le +

  • J’ai bien aimé la détermination d’Emoni qui essaye de mener de front ses différentes vies sans se décourager.
  • Les trois recettes qui ouvrent chacune des parties du livre sont assez bien trouvées : l’acide, le salé et le doux-amer, c’est une bonne introduction à ce qui suit.

Le –

  • Dans la vraie vie, tout ne se passerait pas aussi facilement que dans l’histoire. Les épreuves que vit Emoni sont envisagées assez superficiellement (on ne peut que se faire cette réflexion quand on a lu le précédent récit de l’autrice « Signé poète X »).
  • L’héroïne est un peu trop parfaite pour être complètement vraisemblable, mais c’est une chouette protagoniste pleine d’optimisme, qui valorise les vertus de l’effort et du travail.

Le coin des profs

Le récit offre une belle porte d’entrée pour aborder la vie des filles mères et les difficultés dans les quartiers pauvres.

Niveau de lecture

Débutant

Genre

Récit réaliste

Mots clés

Amitié, amour, cuisine, filles mères, homosexualité, maternité, parents, quartiers pauvres, préjugés, projet, racisme, responsabilités, sacrifice, séparation

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Bamba, Anne Loyer

Infos pratiques

  • À partir de 15 ans
  • Nathan
  • 409p.
  • 16,95€
Partager sur vos réseaux sociaux
Les commentaires sont clos.