Un garçon c’est presque rien (Lisa Balavoine)

Un garçon c’est presque rien (Lisa Balavoine)

Résumé de l’éditeur

Une chambre d’hôpital. Dans le lit, un garçon. À côté, une fille, qui attend qu’il se réveille. Au travers du coma de Roméo, son histoire : pourquoi, comment, la vie l’a-t-elle amené là ?

Mon avis

Roméo est un garçon solitaire de 16 ans. Il se fond dans la masse et n’a pas les mêmes goûts que la plupart des autres garçons de son âge. Ses parents lui semblent lointains, ils ne s’intéressent pas à lui, ne partagent rien avec lui. Il vit dans un foyer en apparence sans amour. C’est un jeune homme discret, qui parle peu, lit des romans et écoute de la musique qui n’est pas « de son temps ».

« Moi je rêverais d’avoir des parents

À qui je pourrais tout raconter

Comme on en voit parfois dans les séries télé

Des parents intéressants et intéressés.

On dira que je suis mal tombé.

Ils sont pas méchants

Ils sont juste morts au-dedans

C’est terrible de se l’avouer mais

Près d’eux je ne sais pas comment rester vivant. »

Il est en décalage avec les autres, sauf avec son oncle avec qui il partage une passion pour la musique. Il ne comprend pas pourquoi les garçons de son âge crient et s’agitent, il ne veut pas faire partie de ce troupeau de moutons qui se moquent de ceux qui sont différents, parlent mal des filles et agissent mal avec elles. Il ne se reconnaît pas dans cette image de garçon à laquelle la société lui demande de coller et en même temps il se demande s’il ne devrait pas essayer, comme ses parents le lui demandent, d’être plus « normal », plus sociable, au lieu d’être « sensiblement différent ».

« Je suis un garçon sensible

Ma mère dirait mauviette, mon père dirait fragile

Je ne suis que sensible,

Sensiblement différent

Je repense à ce jour où, dans le bus, deux hommes se sont mis à se battre, une femme a crié « Séparez-les » et je n’ai pas bougé

Je repense à ce jour où j’avais demandé une tête à coiffer pour Noël et où la réponse de ma mère a été : « C’est ta tête qu’il faut soigner »

Je repense à ce jour où le prof de sport constituait des équipes et où il m’a dit : « Mets-toi sur le côté, tu vas les faire perdre »

Je repense à ce jour où, lors d’une prise de sang, je suis tombé dans les pommes, l’infirmière a ri : « Qu’il est sensible ce petit »

Je repense à ce jour où mon père m’a emmené faire un tour de train fantôme et où l’apparition d’un squelette m’a fait hurler, faisant de moi un froussard à tout jamais

Je repense à ce jour où j’ai pleuré en regardant Le magicien d’Oz et où j’ai gardé ces larmes pour moi par peur qu’on ne les comprenne pas.

Pourtant,

Je ne suis que sensible,

Sensiblement différent. »

Au lycée, une jeune fille l’intrigue. Elle s’appelle Justine et va se rapprocher de lui alors que rien ne les destinait à se fréquenter. On se demande surtout ce qui les a amenés là, car dans le 1er chapitre on découvre Roméo dans le coma dans une chambre d’hôpital, avec Justine à ses côtés attendant son réveil.

Le roman est un texte écrit en vers libres composé de chapitres très courts. Le narrateur de l’histoire est Roméo, dont la sensibilité donne une empreinte singulière et poétique à l’histoire. Beaucoup de thèmes importants sont abordés avec une grande justesse dans le récit, ils tournent essentiellement autour de la question de l’identité, la virilité, le désir, la différence, le harcèlement et le « revenge porn ». En ce qui me concerne, je connaissais mal le phénomène du revenge porn et j’ai été assez interpellée de voir en quoi il consistait.

J’ai beaucoup apprécié le personnage de Roméo, notamment à travers sa grande sensibilité et sa volonté de ne pas fonctionner comme les autres garçons. Ça ne l’intéresse pas de jouer les gros durs, comme ceux qui se moquent de lui dans les couloirs de l’école, il ne veut pas être comme eux. Il n’aime pas leur musique, lui qui passe des heures chez son oncle, un disquaire solitaire qui lui fait connaître des groupes de rock des années 80. Il passe son temps à réfléchir sur sa vie, sur ce qu’il est, les écouteurs dans les oreilles.

« Je suis né garçon

Je ne l’ai pas choisi

C’est comme ça

Je suis né garçon

Et j’ai vite compris

Ce qu’on attendait de moi

Les garçons ont des corps puissants

Les garçons ne pleurent pas

Les garçons sont des battants

Les garçons obtiennent des résultats

Les garçons sont dominants

Les garçons prennent les devants

Les garçons occupent la place

Les garçons ne s’engagent pas

Les garçons doivent être virils

Les garçons aiment les filles faciles

Les garçons ont toujours raison

Je suis né garçon

Mais je ne suis pas né comme ceux-là

Dans ce monde brutal

Où il faut taire ses questions

Ses fragilités, ses doutes,

Où il faut bander les muscles

Et le reste, coûte que coûte.

Et peu importe tes émotions

Si elles n’émanent pas du caleçon.

Je suis né garçon

Mais désolé, je ne suis pas de ceux-là

Pas né de ce côté

Pas du côté des forts,

Pas du côté des gagnants.

Je ne sais pas où est passée ma testostérone

Et je n’ai pas envie de la trouver.

Je voudrais juste ne plus entendre

Toutes ces injonctions

Et ne pas avoir à jouer

Ce rôle qu’on veut nous donner. »

Roméo déteste la vulgarité ambiante, le harcèlement par ceux qui se croient obligés de se moquer ou de se battre pour prouver leur masculinité, ceux qui filment leurs ébats sexuels pour ensuite humilier les filles qui ne savaient même pas qu’elles étaient filmées. Il trouve ça dégradant pour les filles. C’est justement son point de vue par rapport au harcèlement qui va lui permettre de créer un lien avec Justine, cette fille du lycée qui l’intrigue depuis un petit temps et qui se fait harceler, maltraiter et rejeter par un caïd de l’école. Elle a la force de marcher la tête haute et de dénoncer ce qu’il s’est passé, mais les autres n’aiment pas ça. Roméo, lui, est impressionné. Il se rapproche de Justine, la soutient et l’accompagne dans ses démarches. Un lien se tisse alors peu à peu entre eux.

Ensemble, Roméo et Justine vont former un beau duo d’alliés. Les jours qui suivent leur rencontre et leurs échanges ne sont pas toujours faciles car Roméo a parfois du mal à se positionner par rapport au caractère de Justine, mais leur lien et leur bienveillance réciproque sont indéniables. Ils se sentent plus forts tous les deux, mais arriveront-ils à faire cesser le harcèlement horrible que subit Justine ?

« C’est quoi ce qui se passe dans la tête d’un homme parfois ? C’est quoi ce besoin de toute puissance ? C’est quoi cette virilité brutale qui s’empare de certains et les rend fous, et les rend violents, et les rend cruels ? Qui sont ces hommes-là ? Que s’est-il passé en eux pour qu’ils prennent cette direction, pour qu’ils fassent de tels choix ? Comment en arrive-t-on à de telles extrémités ? En quoi est-ce essentiel de dominer ? Est-ce que cela rend plus grand ? Est-ce que cela rend plus important ? Pourquoi dit-on du sexe masculin qu’il est le premier ? Si tout homme a eu une mère, pourquoi ce besoin de la supplanter ? Y a-t-il en l’homme la prédisposition à la destruction ? Pourquoi ce désir de prendre par la force ce qu’il ne possède pas, ce qu’il ne possèdera sans doute jamais ? En quoi la liberté d’une femme serait-elle une entrave à sa propre liberté ? Et puis l’égalité c’est pour quand ? Est-ce que ça peut exister vraiment ? […] C’est quoi ce besoin de mener constamment des batailles, remporter des trophées, piétiner les corps, ne pas faire de quartier ? Le plaisir que certains prennent à humilier, cogner, blesser, brutaliser ? C’est quoi ce plaisir ? C’est quoi cette perversité ? Est-ce qu’on peut encore sortir de ce schéma ? C’est quoi devenir un homme si être un homme cause tant de dégâts ?

Je voudrais qu’on me laisse le droit

De ne pas devenir comme ça. »

J’ai beaucoup apprécié ce roman sensible très juste !

Le +

  • Ce roman adopte pour une fois le point de vue d’un garçon sensible qui tente de fuir la jungle du lycée, qui se cherche, mais ne veut pas pour autant devenir comme les autres.
  • Le personnage de Roméo touche en plein cœur. Impossible d’y être indifférent !

Le –

La fin m’a laissé un goût de trop peu. On lit entre les lignes, mais j’avais besoin d’une fin plus nette…

Le coin des profs

Le récit ne présente pas de difficulté de lecture (les vers libres ne sont pas un frein) et offre une bonne porte d’entrée pour aborder la question de l’identité, du genre et du harcèlement scolaire.

Niveau de lecture

Débutant

Genre

Récit réaliste

Mots clés

Désir, différence, genre, harcèlement scolaire, identité, masculinité, revenge porn, sensibilité, violence

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Dans de beaux draps, Marie Colot

Infos pratiques

  • À partir de 13 ans
  • Rageot
  • 244p.
  • 15,50€
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