Elia, la passeuse d’âmes (Marie Vareille)

Elia, la passeuse d’âmes (Marie Vareille)

Résumé de l’éditeur

Elia est une passeuse d’âmes, un être sans émotions. Elle doit exécuter ceux qui sont devenus des poids pour la société : personnes âgées, malades, opposants au régimes… Mais un jour, elle ne parvient plus à obéir aux ordres et s’enfuit dans la région la plus déshéritée du pays… là où les passeurs d’âmes sont considérés comme les pires ennemis. Au plus profond d’immenses mines à ciel ouvert, elle découvrira, telle une pépite, une destinée qui la dépasse.

 

Mon avis

Nous sommes dans le futur, une terrible guerre de 100 ans s’est produite, le monde est détruit et seule une étroite parcelle de terre est encore habitable. Tout le reste a été noyé sous les océans. Pour rétablir l’ordre, la discipline et donc la paix, il a été décidé de « retourner en arrière » en créant des castes. Les différences des droits entre les classes sociales sont énormes, les conditions de vie des plus pauvres sont celles de l’esclavage. L’individualisme est banni pour tous afin que personne ne puisse penser par soi-même et que tous aient le même but : celui du bien de la communauté, car c’est l’égalité des hommes de l’ancien monde (le nôtre) qui a provoqué la guerre puisque que chacun pouvait penser par lui-même et donc avoir son propre avis, potentiellement différent de celui des autres…

Dans cet univers, personne n’a son mot à dire, car l’individu n’est rien. Seule la Communauté compte. C’est un véritable endoctrinement. Peu importe leurs origines, tous les citoyens savent qu’il faut agir pour perpétuer l’harmonie collective. Cette idée est poussée jusqu’au bout : même le sport solitaire comme la course à pied est interdit. C’est un sport jugé « égoïste », car il n’est pas pratiqué en groupe.

« Règle 1 : les êtres humains ne naissent pas libres et égaux en dignité et en droit. Chacun a pour devoir envers la communauté de respecter sans la questionner la place qui lui est attribuée en fonction de sa naissance […]

Règle 2 : la communauté est tout, l’individu n’est rien. Il ne sert qu’à faire prospérer la société dans son ensemble. Chacun a été créé pour une raison. Les Nosobas pour servir, les Askaris pour commercer, les Kornésiens pour penser et gouverner […]

Règle 3 : l’ordre est l’essence du bonheur. Le respect absolu des règles est la base du bien commun, tout écart des commandements d’Hubohn représente un pas vers la destruction de la communauté et sera puni comme tel […]

Règle 4 : pour éviter la propagation de maladies impures au sein des castes supérieures, tout contact physique entre deux membres de classes différentes est strictement interdit. »

Cette dystopie se déroule à Tasma, la terre élue, le seul endroit qui n’a pas été détruit suite à la Guerre et où une poignée d’humains subsistent. Dans ce nouveau monde, les survivants sont répartis selon trois castes qui interdisent tout contact physique : les Nosobas (les serviteurs qui vivent dans la déchéance), les Askaris (les commerçants) et les Kornésiens (l’élite qui gouverne et qui a la main mise sur tout).

Elia fait partie de la troisième catégorie. Elle a donc une vie de luxe et ne se doute pas des injustices qui existent ailleurs que dans sa caste. Elle a le rôle de passeuse d’âme, c’est-à-dire qu’elle euthanasie ceux qui ont fini leur parcours utile dans la communauté. Un jour, toutefois, elle épargne un jeune d’une caste inférieure et elle en paye le prix fort, car elle est obligée de fuir et se cacher. Elia va subitement descendre de la caste la plus haute à la plus basse et se retrouver au milieu de ceux qui vivent sous terre et souffrent de misère. Son caractère décidé et autonome l’aidera à survivre, elle qui ne s’est jamais sentie à sa place. Au fil de rencontres plus ou moins heureuses, elle découvrira son passé, le passé de son peuple aussi et la vraie histoire qui la concerne. Elle découvre des vérités insoupçonnées que lui avait masquées son éducation. Elle était en effet persuadée de faire le bien en envoyant ces êtres proches de la mort de l’autre côté. Une fois ses oeillères retirées, elle va découvrir à quel point elle était dans le mensonge…

« La solitude est mauvaise, elle mène à l’égoïsme, l’égoïsme mène à l’individualisme et l’individualisme mène à la destruction et au chaos. Elia hocha la tête, toute son enfance elle avait entendu ce type de discours. « Ne reste pas seule, partage la vie du groupe, l’individu n’est rien, la Communauté est tout. » Mais aussi dérangeant cela soit-il et bien qu’elle n’ait jamais osé l’avouer à qui que ce soit, elle ne se sentait à l’aise qu’isolée des autres. »

J’ai beaucoup aimé ce roman d’initiation où les différences sociales sont pointées du doigt. Elles sont vraiment révoltantes, en particulier pour les Nosobas qui sont presque considérés comme du bétail. Ce groupe n’a plus aucune dignité humaine : un Nosoba n’a pas de toit (il vit sous terre dans quelques centimètres carrés très spartiates), n’a pas de repas réguliers ou de soins corrects (l’aspirine est une denrée très rare et les malades utilisent surtout du Redmoon, une drogue qui les aide à tenir debout, leur bousille les neurones et les rend dociles à leur insu). Leurs conditions de travail à la mine sont très dures et sans pitié. Ils sont payés trois fois rien et la faim est leur quotidien. On vit avec eux cette situation dramatique : à cause du système, cette caste a perdu son humanité. Ce sont des moins que rien…

Heureusement, une révolte gronde… J’ai hâte de voir ce que Marie Vareille va nous réserver dans le tome 2!

Elia, la passeuse d’âmes a reçu le prix du Meilleur roman jeunesse en 2016 et le prix Farniente en 2018. Une belle récompense !

 

Le +

  • La couverture est assez attractive : on a l’impression qu’on va avoir affaire à un monde dur, mais où un personnage fort va intervenir.
  • Le monde complexe créé par l’auteure est une véritable construction originale bien structurée. J’ai aimé cette imagination qui permet à l’univers créé d’exister pleinement.
  • Les personnages sont très caractérisés, crédibles et très touchants, chacun ayant un objectif précis qui le guide.
  • J’ai bien aimé le caractère entêté et combattif d’Elia. Le fait qu’elle doive cacher sa différence aussi : ses cheveux roux.

 

Le –

  • Certaines scènes ou révélations sont attendues (on sent bien qu’Elia est différente et qu’on lui cache quelque chose sur ses origines).
  • Il y a une prophétie dans cet univers. J’ai un peu peur de ce que ça va donner dans le tome 2. J’espère qu’on ne va pas tomber dans le cliché où Elia va sauver l’humanité entière.

 

Le coin des profs

  • C’est un chouette roman de fantasy qui ne présente pas de difficulté de lecture et peut réconcilier des jeunes fâchés avec les livres.
  • Le roman permet d’aborder des thèmes importants comme la différence, les inégalités sociales, le totalitarisme, la reconstruction d’une société après une guerre.

 

Mots clés

Amitié, castes, différence, droit individuel vs bien collectif, (histoire de) famille, pauvreté, société inégalitaire, totalitarisme

 

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Le Pacte des Marchombres  de Pierre Bottero (trilogie)

 

Infos pratiques

  • À partir de 13 ans
  • Pocket Jeunesse Junior
  • 315p.
  • 19,400€
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