Alma. Le vent se lève (Thimothée de Fombelle)

Alma. Le vent se lève (Thimothée de Fombelle)

Résumé de l’éditeur

1786. Quittant la vallée d’Afrique qui la protégeait du reste du monde, Alma, 13 ans, part seule à la recherche de son petit frère disparu. Pendant ce temps, à La Rochelle, le jeune Joseph Mars embarque clandestinement sur La Douce Amélie, l’imposant navire de traite du cruel capitaine Gardel. Il est en quête d’un immense trésor, mais c’est Alma qu’il va découvrir…

Mon avis

L’histoire se passe en 1786 en Afrique, dans une vallée encaissée pleine d’épineux empêchant tout passage. Là-bas une famille vit heureuse, en harmonie avec la nature. Nao, la mère, et Masi, le père, ont trois enfants, deux garçons, Lam et Soum (qui est muet), et une fille Alma, 13 ans, ce nom signifiant « libre » chez les Okos, la tribu de la mère d’Alma. Ils vivent une vie simple et paisible, à l’abri du monde, dans cette vallée fermée et protégée par des falaises. L’arrivée d’un cheval sans rayures pour les enfants (un zèbre pour nous) vient bouleverser la vie de ceux-ci.

En effet, ce cheval crée des rêves d’évasion dans le chef de Lam (10 ans) et, quelques jours après l’arrivée de l’animal, Alma (13 ans) s’aperçoit de la disparition de son petit frère parti avec le cheval, n’ayant pu résister à la tentation d’aller voir ailleurs. Alma se sent coupable de l’évasion de son frère et quitte à son tour la vallée pour essayer de le retrouver. Sans le savoir, le reste de sa famille se retrouve pris dans cette tourmente car le père part à la recherche des fugitifs, tandis que la mère et Soum se font capturer par des négriers. Le récit bascule alors dans le drame, l’appât du gain et le mépris de la vie humaine.

« On fait monter la femme sur le gaillard d’arrière. On décide de l’inscrire dans les cahiers sous le nom d’Ève. Adam et Ève ! Sur tous les navires, le jeu sur les noms qu’on invente aux captifs donne toujours une joie rare aux marins. Ils frappent dans leurs mains et se sentent si drôles, si puissants et si savants. Mais, pour Jacques Poussin qui regarde de loin le spectacle, rien n’est plus terrible que de faire comme si cet homme et cette femme venaient d’être créés. Comme s’ils n’existaient pas avant et qu’ils n’avaient jamais eu de nom, ni de terre. En les appelant Adam et Eve, on fait semblant de leur donner naissance alors qu’on a détruit tout ce qu’ils étaient. »

Au même moment, dans le port de Lisbonne, un jeune garçon, Joseph Mars, est à la recherche d’un immense trésor et réussit à se faire embaucher sur le navire « La douce Amélie », dirigé par le redoutable pirate Lazare Bartholomée Gardel, dont il apprendra, une fois à bord, qu’il est chargé de la traite des esclaves. Ces deux destins, celui d’Alma et de Joseph finiront par se rejoindre à la fin du récit.

Dans ce récit, Thimothé de Fombelle traite avec minutie de l’histoire de l’esclavage et de la chasse aux captifs, assurée par des hommes de certaines tribus motivés par leur enrichissement. Les captifs sont tous des noirs qui vivent paisiblement sur leur territoire, mais ce sont les blancs (des Français, Anglais, Néerlandais…) qui commandent et exigent cette chasse aux humains, une des plus grandes hontes de l’humanité. Captifs, enchaînés, malmenés, mal nourris, maltraités, ces colonnes d’hommes, de femmes et d’enfants sont acheminés jusqu’à la côte où les attend une épreuve encore plus difficile, la traversée jusqu’aux Caraïbes ou en Louisiane. Marqués au fer rouge, les fers aux pieds, ils sont entassés à bord de bateaux, dans des conditions d’insalubrité extrême.

« Jacques Poussin semble étonné. Les escales de rafraîchissement sont fréquentes. Elles ont lieu avant la traversée, à Sao Tomé ou sur l’île du Prince, tout près des côtes de l’Afrique, et parfois à la fin du voyage, juste avant d’arriver. À vrai dire, on y fait plus de camouflage que du rafraîchissement. On redonne des forces aux captifs, on les engraisse, on fait briller leur peau avec de la poudre, du jus de citron, on les rase, on teint les cheveux des plus vieux. Puis on repart. Tout est permis pour faire monter les prix de vente à l’arrivée. »

Pendant ce temps, à La Rochelle, un riche armateur tente de continuer à mener à bien ce commerce triangulaire, mais doit affronter une soif toujours plus grande pour l’or et la fortune de la part de ses associés. Les 3 histoires parallèles se rejoignent à la fin du tome 1 de cette trilogie, où l’on trépigne pour enfin connaître la suite car la révolte des esclaves gronde sur La Douce Amélie…

« Autour de lui, ses compagnons ne bougent pas. Ils résistent.

Au début de la traversée, ces hommes étaient efiks de la région du Vieux-Calabar ou bien sérères du royaume du Saloum. Ils se disaient habitants d’un village, nés au bord de telle rivière, ou dans la ville de Tinnah, plus belle que toutes les autres villes. Ils appelaient désespérément dans l’entrepont ceux de leur peuple ou de leur village. Au début de la traversée, un homme s’était même laissé mourir parce qu’il était le seul à parler sa langue. Au début, il y avait encore les éternelles bagarres entre les Fantis et les Chambas et toutes les querelles si vieilles que personne ne sait pourquoi elles sont nées.

Mais jour après jour, ils ont changé. Ils n’ont pas oublié leur pays, mais l’ennemi les a rassemblés. Ils étaient de toutes les couleurs. Maintenant, ils sont noirs.

On entend les marins secouer les corps engourdis, les blessés, les malades. La consigne a circulé entre les captifs. Aucun fouet, aucun coup de canne ne doit accélérer le mouvement. Il faut prendre du temps. D’un bout à l’autre du navire, on traîne, on ralentit, pour donner une dernière chance à la liberté.

Au milieu de ce chaos, la capitaine Gardel observe. Il a compris leur manège. Il tire à nouveau en l’air, frappe ceux qui s’attardent. Plus les captifs résistent, plus il sait qu’il y a urgence. Quelque chose se prépare. »

J’ai bien aimé ce récit très documenté dont certains passages m’ont fait froid dans le dos !

Le +

  • J’ai trouvé très intéressants tous les détails relatifs à la chasse aux nègres et la façon dont ils étaient traités en tant qu’esclaves (c’est dérangeant, mais on doit savoir comment l’histoire s’est passée).
  • J’ai beaucoup aimé apprendre l’histoire du peuple Oko et les dons transmis à chaque enfant.
  • Les planches dessinées qui jalonnent le récit sont très belles et permettent d’imaginer plus facilement certaines scènes ; elles sont une aide précieuse pour les lecteurs les plus jeunes.

Le –

  • Le récit me paraît destiné à un public plus âgé que les 13 ans et plus en raison de la complexité des détails historiques évoqués et de l’alternance des 3 histoires.
  • J’ai trouvé que le récit était un peu lent. Il commence à devenir intéressant sur la fin. Quand on a déjà lu des récits de l’auteur, on est un peu surpris car il avance généralement au pas de charge dans ses histoires.

Le coin des profs

Le récit est complexe à aborder seul, l’accompagnement d’un adulte est nécessaire. L’histoire est une belle porte d’entrée pour aborder la traite des esclaves au 18e siècle.

Niveau de lecture

Avancé

Genre

Récit d’initiation

Mots clés

Aventures, bateau, blancs >< noirs, commerce, différences, esclaves, ethnologie, famille, nature, Histoire, pirates, traite des êtres humains

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Beloved, Toni Morrison

Infos pratiques

  • À partir de 13 ans
  • Gallimard jeunesse
  • 389p.
  • 18€
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