Lettre à toi qui m’aimes (Julia Thévenot)

Lettre à toi qui m’aimes (Julia Thévenot)

Résumé de l’éditeur

Yliès et Pénélope, ça sonne comme un couple fait pour s’aimer, un duo romantique de lettrés ; c’est musical, gourmand, sucré-calé. Alors pourquoi Pénélope ne l’aime-t-elle pas, Yliès, hein ? Elle joue avec lui, en plus, sérieux : du jour où elle l’a rencontré, elle a su qu’elle lui plaisait. Elle l’a senti, compris. Alors pourquoi, pourquoi, l’a-t-elle laissé s’approcher, s’amouracher, se glisser dans son quotidien et ses amitiés, aller aussi loin, aussi près ? Pourquoi ne veut-elle pas l’aimer ?

Mon avis

Aimer sans être aimé en retour, c’est une situation qu’on a tous vécue un jour ou l’autre. C’est d’ailleurs un thème assez commun de la littérature. Ce qui l’est moins, c’est de dépeindre la situation du point de vue inverse et de choisir comme narrateur celui qui est aimé sans aimer lui-même. C’est le cas de Pénélope, qui écrit une lettre à Yliès, le garçon qui a jeté son dévolu sur elle.

Le groupe de rock de Pénélope, qu’elle forme avec deux copains, recherche un nouveau guitariste. Lorsque Yliès se présente pour une audition, il tombe immédiatement sous le charme de la jeune fille. De son côté, elle s’entend bien avec lui, comme les autres membres du groupe, et si au début ce gentil flirt l’amuse, elle réalise vite que le garçon rêve de bien plus. Coriace, il ne lâche rien, lui lance des piques et des œillades enamourées à chaque occasion, et la situation devient gênante pour tout le monde, aussi Pénélope se doit-elle de mettre les choses au point. C’est le but de cette lettre, où la jeune fille s’adresse directement à celui qui l’aime, ce qui la rend si spéciale.

La forme de ce texte est très particulière : c’est un roman en vers libres très bien construit et agréable à lire. Un défi réussi car il insuffle un rythme incroyable au texte. Mais l’autrice ne s’arrête pas là dans l’exercice de style. Comme le titre l’indique, c’est une lettre que Pénélope adresse à Yliès, pour reprendre le fil de leur non-histoire d’amour depuis le début et ainsi rappeler que, si elle n’a rien fait pour repousser le garçon, elle n’a pas non plus tenté de le séduire. Ainsi, le texte est écrit à la deuxième personne du singulier, une forme plus rare, qui a dû demander une certaine dose de travail. Tout cela donne une véritable personnalité au texte et le rend poétique et juste à la fois.

Ce qui est intéressant dans ce récit, c’est qu’il met le doigt sur quelque chose de terriblement problématique dans la façon dont nous voyons la place de la femme dans l’amitié et le couple : elle est la séductrice et/ ou la coupable de ne pas aimer en retour, ce qui est assez stéréotypé et réducteur. On regarde Pénélope réfléchir, lorsqu’elle se revoit sourire à Yliès ou le regarder un peu trop longtemps, se demander si elle s’est jouée de lui, si elle l’a encouragé dans ses élans amoureux, si elle l’a poussé à l’aimer finalement.

Ce texte est une belle découverte à mettre entre les mains des adolescents pour leur rappeler qu’en amour, tout n’est pas comme dans les livres : il n’est pas toujours réciproque et il n’est pas nécessaire de se déchirer à cause de cela. L’amitié et le respect peuvent rester dominants dans ce genre de relation délicate.

« J’aurais peut-être dû faire attention à ton cœur, quand tu me l’as collé dans les bras. Je l’ai piétiné, et ça ne se fait pas – même à petits pas précautionneux, on n’a pas le droit ; on ne brise pas les cœurs, voilà. Je suis désolée. Peut-on briser un cœur avec douceur ? Ça m’a semblé un processus si naturel, je n’ai pas dû l’inventer. Zut, c’est atroce : j’ai encore l’air de me moquer. Est-ce que je suis une bitch de ne pas t’aimer ? D’être épuisée, soûlée, gavée de ta vénération fanatique ? Tes regards, à force d’insister, m’ont usée ; tes bises appuyées m’ont décapée, irritée. On ne demande pas aux gens l’autorisation de les aimer, peut-être qu’on devrait. Oui, j’ai été cruelle, mais, c’est le rôle qui m’a été assigné. »

Lettre à toi qui m’aimes est un court récit qui se lit d’une traite, comme une correspondance amoureuse, sauf qu’il s’agit plutôt d’une déclaration d’amitié et d’une lettre de rupture à la fois. La vie de chacun est émaillée de ces moments-là, des doutes, de l’interrogation qui vrille le cœur (« Tu me plais mais est-ce que moi je te plais ? ») et de la réponse qui bouleverse tout. L’autrice a réussi à rendre compte de la finesse de ce sentiment dans une langue vibrante, puissante et juste.

Le +

  • J’ai beaucoup aimé le respect et l’amitié qui animent l’héroïne face à cet amour à sens unique. Pénélope ne joue pas avec Yliès, elle s’efforce d’être authentique avec lui du début à la fin, même si elle s’interroge sur ses sentiments pour lui.
  • Le récit est très bien écrit, c’est un vrai plaisir de lire cette histoire courte, bien structurée, dans un style si délicat et juste.

Le –

Je n’en vois pas. C’est rare !

Le coin des profs

Le récit ne présente pas de difficulté de lecture, mais ne présente pas d’intérêt pédagogique particulier, hormis la musicalité des vers libres.

Niveau

Débutant

Genre

Récit épistolaire en vers libres

Mots clés

Ambiguïté, amitié, amour à sens unique, blessure, lettre, questionnement, respect, séduction, silence

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Un garçon c’est presque rien, Lisa Balavoine

Infos pratiques

  • À partir de 13 ans
  • Sarbacane
  • 132p.
  • 12,50€
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