Nos jours brûlés (Laura Nsafou)

Nos jours brûlés (Laura Nsafou)

Résumé de l’éditeur

2049. Depuis vingt ans, le soleil a disparu et le monde est plongé dans la pénombre. La faune et la flore se sont peu à peu adaptées et les espèces nocturnes, multipliées. Pour les humains, s’éclairer, se nourrir, survivre sont devenus des défis quotidiens. Elikia, née peu après l’avènement de la Grande Nuit, et sa mère Diba, se sont fixé pour mission de ramener le jour sur le monde. Persuadées que la disparition du soleil est liée à celle de Juddu, une ancienne et mystérieuse cité ayant abrité des esprits et des individus dotés de pouvoirs, toutes deux sillonnent le continent africain dont elles sont originaires à la recherche de témoignages. Les récits glanés auprès des Anciens les conduisent jusqu’à l’Adamaoua, une montagne où nulle âme sensée n’oserait s’aventurer…

Après la perte brutale de sa mère, Elikia va rencontrer l’Éclaireur, un des seuls survivants du massacre de Juddu. À son côté, elle découvrira qu’elle peut faire usage de la magie… et aussi que les deux marques incrustées sur sa joue gauche la relient malgré elle à Guddi, la divinité responsable de la disparition du soleil. La jeune fille parviendra-t-elle à s’affranchir de l’emprise que la nuit exerce sur elle afin de respecter la dernière volonté de sa mère : poursuivre leur quête ?

Mon avis

Dans ce roman qui se déroule en 2049, on suit une jeune femme qui s’appelle Elikia. Cette héroïne a 20 ans et n’a jamais connu le soleil. Elle a toujours vécu dans un monde où la lumière n’existe pas et n’a connu que la Grande Nuit. Diba, sa mère, a quant à elle connu le monde d’avant et ne se résout pas à vivre ainsi sans avoir de réponse. Elle est décidée à percer le mystère autour de la disparition du soleil et est convaincue que celle-ci est liée à celle de Juddu, une ancienne cité qui aurait abrité des êtres divins. Elle entraîne alors Elikia avec elle en Afrique pour trouver des explications. Son but premier est de trouver le dernier Éclaireur, un homme qui aurait vécu à Juddu avant sa destruction.

« Quand j’avais demandé à Yander comment les humains pouvaient ignorer tant de choses sur le monde invisible ou sur les Marqués, il m’avait répondu qu’ils s’arrêtaient souvent à ce qu’ils voulaient voir. Pour la plupart des gens, la Grande Nuit était une période étrange et sans limite : si le soleil avait disparu, alors tout était possible. Ils s’accommodaient de cette vie obscure tant qu’ils restaient chez eux, entourés des leurs. C’était plus rassurant pour eux de s’accrocher à un semblant de routine que d’envisager un monde plus vaste que leur quartier. Sans s’en rendre compte, ma génération avait scellé cette résignation collective.
 
Ainsi, le décalage entre mon quotidien auprès de l’Éclaireur et celui que j’avais connu chez les humains ne tenait-il pas seulement à leur méconnaissance de l’Invisible, mais aussi à cette inaction collective qui les avait comme paralysés. Grâce aux mois de formation et de prise de conscience que j’avais passés aux côtés de Yander, je n’avais plus peur de prendre part aux conflits qui opposaient l’Invisible et le Visible, Guddi et nous : au contraire même, je préférais agir et essayer de changer les choses plutôt que d’abdiquer dans un monde que je n’avais pas choisi. »

Le grand-père d’Elikia a aussi connu cette cité, c’était un archiviste chargé avec d’autres de retranscrire l’histoire de Juddu, de répertorier les différents savoirs qui y étaient enseignés, mais aussi de préserver la bibliothèque de la cité. Les carnets qu’il tenait lorsqu’il était archiviste seront d’une grande aide à Elikia et sa mère au début de leur périple en Afrique.

Lorsque la mère meurt, Elikia se sent obligée d’aller au bout de cette quête qui lui tenait à cœur. Au côté de Yander, le dernier Éclaireur, Elikia va percer le mystère autour de la marque sur sa joue qui a un lien avec la Grande Nuit, une marque contre laquelle elle va devoir se battre pour éviter d’être consumée par celle-ci et tomber dans les ténèbres. Les marqués sont en effet considérés comme des êtres dangereux, assoiffés de sang humain qui peuvent tuer sans scrupule. Elikia doit donc apprendre à vivre avec ça et se battre contre elle-même pour ne pas laisser la marque s’emparer totalement d’elle. À travers cet aspect du personnage d’Elikia, l’autrice aborde la complexité de l’être humain, qui est imparfait et doit lutter contre ses démons intérieurs.

« Je songeais à tout cela, exaspérée, et avançais en boitant, une lampe à la main. Mes poumons me brûlaient, et un point de côté m’écrasait le flanc droit. Mes jambes me portaient à peine, et l’épuisement prenait le pas sur ma vigilance. Toutes ces heures d’entraînement et d’enseignement… Ce n’était rien comparé à cette mission. Je me sentais faible. Perdue. Inexpérimentée. J’avais survécu jusqu’ici, mais dans quelles conditions ? J’étais brouillonne, je cédais facilement à mes émotions, me mélangeais les pinceaux entre les différentes formules, et je ne parvenais à mobiliser qu’environ un quart de mes capacités. J’errai dans ces bois, broyée par cette vérité insoutenable : si ma mère avait été avec moi aujourd’hui, j’aurais été incapable de la sauver. La rage alourdissait mes pas, et l’envie de tout abandonner grandissait en moi. Tant pis pour l’Éclaireur. Tant pis pour la mission, et tous ces putains d’Esprits. Je ne voyais pas l’intérêt de continuer. »

Laura Nsafou est surtout connue pour ses albums engagés contre le racisme et en faveur de la tolérance. Elle nous offre ici un premier roman pour la jeunesse bien construit avec un style fluide, où l’on découvre la richesse de la culture africaine dans un récit postapocalyptique avec un soupçon de magie.

« – Une aura ? Qu’est-ce que c’est ? demandai-je.
–        Pour faire simple, c’est l’énergie d’un être vivant. Chez les humains, elle se manifeste à peine, souvent par des attractions ou des intuitions infimes auxquelles ils prêtent peu attention. Mais dans le monde invisible, elle est la source des pouvoirs que l’on détient et que l’on manie. Nos émotions et nos actions peuvent la moduler, et parfois l’amplifier. C’est aussi ce qui différencie les Hybrides comme moi des humains.
–        Les Hybrides ?
–        Oui. Des humains possédant une aura si développée qu’ils peuvent la faire apparaître et la manipuler. Certains d’entre nous le sont grâce à l’un de leurs parents, mais d’autres le sont… par pur hasard. Comme choisis par le destin. »

J’ai bien aimé ce récit où l’héroïne se retrouve rapidement seule et où elle est forcée de devoir survivre et apprendre à se connaître dans un environnement hostile où des créatures dangereuses cohabitent avec les humains.

Le +

        J’ai apprécié découvrir cet univers dense, complexe et bien développé basé en Afrique, avec ses divinités, ses rites, ainsi que quelques croyances africaines. Pour ma part, je n’y connais rien et j’ai aimé cette découverte.

        L’apprentissage d’Elikia et sa détermination à affronter ses démons intérieurs m’ont beaucoup plu.

Le –

        Les références aux esprits et à la mythologie africaines sont parfois très denses. Il y a des explications à la fin du récit, mais ça a été difficile pour moi de retenir la signification de tous les termes et de m’imprégner de toute la subtilité des références. Le récit développe peu ces détails et j’étais parfois un peu perdue.

        Il n’est pas mentionné sur la couverture ou la page de garde qu’il s’agit du tome 1 d’une série.

Le coin des profs

La difficulté de lecture principale du récit est la densité des références à la culture africaine, mais si on la met de côté, l’histoire est intéressante pour aborder une quête d’identité, la question du point de vue et du sens relatifs à la vie.

Niveau de lecture

Intermédiaire

Genre

Récit de science-fiction

Mots clés

Apocalypse, créatures, croyances, éclaireur, éléments, humains, hybrides, initiation, invisible, magie, maîtrise, nature, nuit, point de vue, quête d’identité

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Un été avec Albert, Marie Pavlenko

Infos pratiques

  • À partir de 15 ans
  • Albin Michel
  • 299p.
  • 16,90€
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