Les petits orages (Marie Chartres)
Résumé de l’éditeur
Depuis un an, la vie de Moses Laufer Victor a changé. Il y a les signes extérieurs, la jambe blessée, les boutons qui explosent sur son visage comme des volcans, et la rage incontrôlée qui s’exprime comme elle peut. Il y a les choses qui restent en lui, les souvenirs de l’accident, les mots qu’il n’arrive plus à dire avec ses parents, qui sont comme des orages en dedans. Et puis, il y a tout ce que l’on ne connaît pas encore. Un jour, au lycée, arrive Ratso, un Indien. Il a ses secrets lui aussi, il a sa colère. Mais il a surtout besoin que Moses l’accompagne à Pine Ridge, pour rendre visite à sa sœur. Parce que chacun, à sa façon, doit sortir de sa réserve.
Mon avis
J’ai eu un beau coup de cœur pour ce roman empli de sensibilité et de profondeur ! Je m’explique… Moses a de grosses difficultés à marcher depuis un accident de voiture, qui a aussi condamné sa mère en fauteuil roulant. Forcé de faire le deuil de son autonomie de mouvement, écrasé par la culpabilité (il pense être responsable de l’accident), le silence de son père et la bonne humeur feinte de sa mère, Moses s’adapte difficilement à sa nouvelle vie. À cela, vous ajoutez les filles du lycée qui ne lui adressent même pas un regard et dont le seul ami est un jeune Collin obsédé par les jeux de cartes. Bref, vous l’aurez compris, Moses est au bord du désespoir.
« L’empreinte d’un renard, puis le tintement de ma béquille. L’empreinte d’un renard, puis le tintement de ma béquille. Un pas, clic. Un pas, clic. C’était ma démarche bancale dans le grand couloir du lycée. Là où se retrouvaient les jeunes de mon école. Là où ils se montraient, là où ils s’observaient, là où ils se séduisaient. Je frôlais les casiers rouges. Jamais je ne marchais dans l’allée centrale. Moi, je m’extrayais, je contournais, je baissais la tête. Je fuyais, j’évitais, je m’écrasais. Je creusais le sol, je m’inventais un terrier, je m’engouffrais, je me camouflais, je disparaissais. C’était ma lente amnésie de l’instant, un évanouissement, une évaporation. J’avais envie de devenir une buée blanche, une solution. »
Voilà que Ratso (une armoire à glace fraîchement renvoyée de son ancien lycée) lui fonce dedans, le déséquilibre et ne s’excuse même pas, malgré la béquille bien visible de Moses. Tous les ingrédients sont là pour faire naître une amitié forte et authentique. Parce que Ratso est aussi un jeune homme en colère cabossé par la vie. Issu d’une tribu indienne abandonnée par l’État où règnent une pauvreté et un chômage inouïs, Ratso est, tout comme Moses, parcouru par la rage.
La rencontre entre ses deux-là fait des étincelles au début. La forte personnalité de chacun écorche l’autre, provoque surprises, larmes et énervement. Mais l’amitié naît peu à peu, impossible qu’il en soit autrement. Ils se lancent alors tous les deux dans un périple improbable en pleine réserve indienne.
« On ne pouvait pas dire qu’on faisait vraiment premiers de la classe. J’aurais même dit que c’était exactement l’inverse. Un génie dans une voiture brinquebalante. Un handicapé au milieu des blés. Voilà ce que nous étions. Parfois la vie est aussi drôle qu’elle est triste. Exactement comme le ciel mélangé que l’on avait au-dessus de nos têtes. »
Les deux garçons accumulent les imprévus et obstacles, mais ce voyage leur offrira un beau cadeau : il leur permettra d’aller à la découverte de soi. Moses entre en contact avec ses démons intérieurs et commence à apprendre à vivre avec sa colère et sa culpabilité.
« Je crois que je partais avec Ratso parce que je ne comprenais pas tout de moi. J’avais l’impression de vivre une aventure. Et ce mot « aventure » me plongeait dans un état de conscience illimité, cela ressemblait à une sorte d’éveil permanent. J’avais juste envie de bouleverser l’immobilité de mon monde, les déchirures de ma jambe et la fracture de mon cœur. »
Moses et Ratso ressortent de leur périple un peu groggy, mais plus forts, authentiques et lumineux. Un roman à lire !
Le +
- Le roman traite du thème du handicap sans basculer dans les clichés, il est traité avec beaucoup de justesse.
- Le récit se lit d’une traite, alterne joie et peine, violence et douceur, avec beaucoup de sensibilité.
- La culpabilité et la souffrance qui découlent de l’accident sont abordées toutes en pudeur, avec, encore une fois, beaucoup de justesse.
- Malgré le sérieux du thème abordé et la profondeur des blessures de Rasto et Moses, le roman n’est à aucun moment pesant à lire, il y a même plusieurs scènes humoristiques.
Le –
- Le titre donne l’impression que l’on va lire une histoire ordinaire d’adolescent, ce qui minimise la profondeur des personnages.
Le coin des profs
- Le roman est intéressant à donner à lire pour la qualité su style (ciselé et subtil).
- Le récit évoque en filigrane les conditions de vie dans les réserves indiennes, une chouette porte d’entrée pour aborder ce genre de thème social.
Infos pratiques
- De 12 à 16 ans
- L’école des loisirs (collection « Médium grand format »)
- 278p.
- 16,50€