Dévisagée (Erin Stewart)

Dévisagée (Erin Stewart)

Résumé de l’éditeur

Ava a tout perdu dans l’incendie qui a ravagé sa maison : ses parents. Sa meilleure amie. Même son visage. Elle n’a pas besoin d’un miroir pour savoir à quoi elle ressemble – la violence du regard des autres lui suffit. Sa rencontre avec Piper, une adolescente déchaînée qui porte comme elle des cicatrices, l’aide à surmonter son retour au lycée. Il reste à Ava son humour, des amis fabuleux et une voix faite pour chanter… Osera-t-elle seulement monter sur scène ?

Mon avis

Ava a perdu ses parents et sa cousine dans un incendie qui a ravagé sa maison. Sauvée in extremis de la mort, la jeune fille conserve des cicatrices qui lui rappelleront à tout jamais ce drame : elle est brûlée à plus de 60% du corps, la laissant défigurée et différente. Elle a des cicatrices qui lui parsèment l’intégralité du corps, il lui manque une oreille, elle a une main sur laquelle on lui a greffé un orteil, elle a des trous sur le crâne; bref, elle ne sera plus jamais celle qu’elle était avant. Après de longs mois de coma et de greffes diverses, Ava sort de l’hôpital et est poussée par sa tante et son oncle à se resociabiliser en retournant à l’école.

Le retour d’Ava au lycée est une épreuve que seul quelqu’un d’exceptionnellement solide peut endurer. D’abord mal à l’aise face à tous ces regards interrogateurs, rieurs, dégoûtés qui s’abattent sur elle, elle va faire la rencontre de Piper, une jeune fille également victime d’un incendie qui lui a coûté ses jambes et lui a laissé des cicatrices indélébiles. Ensemble, elles vont se soutenir et réapprendre à profiter pleinement de la vie. Toutes deux ont vécu des épreuves difficiles qui les rassemblent et font qu’elles se comprennent sans doute plus que quiconque puisse le faire. Elles se ressemblent dans leurs malheurs, mais aussi dans leurs difficultés à s’accepter et à se faire accepter. Dans cette tâche difficile, elles sont soutenues par leurs proches, mais aussi par Madame Layne, une grande brûlée qui dirige un groupe de soutien pour les personnes ayant subi le même incident, ainsi que par un jeune homme nommé Asad, sympathique, drôle, attachant et très attaché aux jeunes filles.

« Une autre fille fait semblant de fixer un point derrière moi, tout en jetant des coups d’œil furtifs à l’endroit où devrait se trouver mon oreille. Je tire sur mon bandana pour qu’elle ne puisse pas voir qu’il n’y a rien, juste le conduit auditif et un lambeau de lobe qui a survécu on ne sait comment.

J’incline la tête en arrière pour refouler les larmes qui me montent aux yeux. À cause de la rétractation des cicatrices de mes joues, mes paupières intérieures sont comme des digues cassées, elles ne retiennent pas la plus petite trace d’humidité.

Mais pas question que je pleure. Pas ici.

Je tente de calmer les battements de mon cœur et je continue à avancer. Je me répète que je n’ai pas besoin de ces gens, pas plus qu’ils n’ont besoin de moi. Je m’oblige à redresser la tête alors que je n’ai qu’une envie, me cacher dans un casier pour leur échapper. Ces regards me rappellent que je suis différente, certes, mais ils m’assènent une vérité plus profonde : je ne suis plus tout à fait humaine.

Je suis une bête curieuse qu’on observe, pas une personne à qui l’on parle.

Voilà pourquoi je n’ai pas besoin de miroir ; je rencontre mon reflet dans les yeux de tous ceux qui m’entourent.

Mon visage me revient sans cesse en pleine face. »

Le roman est assez intéressant car on découvre les réactions prévisibles de dégoût et de moquerie face à une personne différente, en situation de handicap. Ava n’en reste pourtant pas moins une jeune fille normale, qui a besoin d’être entourée d’amour, de se faire des amis, de sortir, de tomber amoureuse, de rire et de vivre son rêve : chanter. Ava doit accepter sa nouvelle apparence physique, se bâtir sa « nouvelle normalité » et se faire accepter dans la jungle du lycée. Un défi de taille, mais essentiel pour qu’elle puisse poursuivre sa vie sainement.

« Je voudrais un phénix comme le sien, mais pas quelque chose qui couvre tout le dos…

Tout en se tenant le menton, Gabriel s’appuie sur un des fauteuils inclinables afin d’observer mon corps. S’il est choqué par mes cicatrices, il n’en montre rien. Il me scrute posément, centimètre par centimètre.

– Je vais te dire pareil qu’à Piper, reprend-il enfin. Tu n’as pas besoin d’un tatouage.

– Tu es un drôle de commerçant…

– Écoute… Les gens viennent choisir une image sur ce mur pour dire au monde qui ils sont. Pour exprimer quelque chose d’eux. (Il tend la main mais s’arrête avant de me toucher.) Je peux ?

J’acquiesce. Il attrape mes deux mains, visiblement pas impressionné, et écarte mes bras.

– Mais toi, tes cicatrices racontent déjà tout.

– Et qu’est-ce qu’elles racontent, exactement ?

Il me fixe avec une intensité troublante.

– Que tu es plus forte que ce qui a failli te tuer.

Même si je perçois à peine le contact de ses doigts sur ma peau insensible, un frisson me parcourt.

– Oublie le tatouage, continue-t-il. Tu es déjà une œuvre d’art à toi toute seule ! »

Le roman ne fait aucune concession quant à la colère, au désespoir, à la souffrance corporelle atroce qui dévastent Ava, mais quel exemple de force morale, de l’indispensable force que donne sa passion pour le chant, ainsi qu’un entourage familial aimant.

J’ai été très touchée par Glenn et Cora, l’oncle et la tante d’Ava, qui ont perdu leur fille dans le fameux incendie, incendie qui a tué les parents d’Ava et l’a défigurée à jamais. J’ai adoré ce couple, j’ai senti à quel point ils étaient attachés à leur fille décédée, tout en s’accrochant à Ava. C’est une famille touchante, un peu maladroite par moment, mais j’ai apprécié ce couple, son amour pour Ava et sa force morale. Dévisagée est un roman très juste qui bouleversera les cœurs sensibles !

Le +

  • Les thèmes de la différence, du drame, du handicap et de la résilience sont très intéressants.
  • Ava, Glenn, Cora et Asad sont des personnages très touchants.

Le –

  • J’ai eu un peu de mal à apprécier le personnage de Piper. Son histoire, la vérité, tout ça a beau la rendre attachante, je ne l’ai pas aimée avec son côté dirigiste, la haine qu’elle camouflait en cynisme, les mensonges et magouilles dans le dos d’Ava. C’était dur d’apprécier pleinement le personnage.
  • Le thème me paraît déjà vu et revu, mais je suppose qu’il plaira aux jeunes lecteurs.

Le coin des profs

Le récit ne présente aucune difficulté de lecture, il peut toutefois rebuter car il y a un grand nombre de pages à lire, mais il offre une bonne porte d’entrée pour aborder le handicap, la différence et la résilience.

Niveau de lecture

Débutant

Genre

Récit réaliste

Mots clés

Acceptation de soi, amitié, amour, dépression, deuil, différence, harcèlement, incendie, jugement, reconstruction, syndrome du survivant

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Audrey retrouvée, Sophie Kinsella

Infos pratiques

  • À partir de 15 ans
  • Gallimard jeunesse
  • 452p.
  • 18,50€
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