Frère! (Jean Tévélis)

Frère! (Jean Tévélis)

Résumé de l’éditeur

Eddy et Diego sont deux gamins des cités, deux frères. L’un danse, l’autre deale : à priori, tout les sépare. Pourtant, tous deux nourrissent le même rêve : celui de changer de vie, de voir plus grand. Et comme souvent dans la vie, il n’y a pas de bon ou de mauvais garçon : le courage et la droiture ne sont pas là où on croit.

Mon avis

Diego est un grand rêveur, plutôt du genre observateur, simple, passionné, franc et avec des principes. Son truc à lui, c’est la danse. Il a beaucoup de talent. D’ailleurs, il rêve de passer des auditions pour ne plus danser uniquement dans sa salle de bain. Il espère vivre de sa passion et peut-être quitter ce quotidien dans lequel il est difficile de s’épanouir. Ce n’est en effet pas facile de faire accepter sa différence, entendez par là un garçon hétéro qui danse, dans la banlieue où il vit.

À l’inverse, Eddy est bien plus mystérieux et insaisissable que son frère. Le premier chapitre où l’adolescent est narrateur annonce directement la couleur : il a pour habitude de traîner dans les rues, de côtoyer de la racaille, de dealer et de tremper dans des affaires risquées. Ses réflexions sur ses actions ou son quartier sont intéressantes pour pouvoir comprendre son comportement et ses choix. On sent qu’il est un peu perdu, qu’il se cherche et qu’il peine à se trouver. Il essaye de se débrouiller comme il peut, car il n’a pas de cadre parental. Intelligent et débrouillard, Eddy n’a pas eu d’autre choix que de survivre dans la rue et de dealer pour avancer.

« C’est sûr, en voyant cette bande de bad boys de banlieue, Julia, Louna, Louise, Ethan, Selma et les autres ne vont pas chercher plus loin. Le langage, le comportement, l’irrespect de ces mecs, associés aux faits divers parsemés quotidiennement dans les journaux, vont les abuser. Ils ne verront pas, derrière ces types qui se pavanent en mode racaille, toute la solidarité, toute l’humanité, toutes les associations qui oeuvrent dans notre quartier. Ils ne verront pas les talents, les génies, les esprits qui doivent batailler avec hargne et rage pour gommer la marque indélébile que la notion même de « quartier » leur a imprimée sur la peau. Non, derrière ces petits cons, ils ne verront pas la flamme qui scintille faiblement et qui oscille dangereusement, toujours prête à s’éteindre. »

Au départ, les 2 frères sont tellement opposés qu’ils ne se parlent presque pas. Cela ne veut pas dire qu’ils ne s’aiment pas, mais ils évoluent dans des univers très différents.

« D’ailleurs, d’habitude on n’y va jamais ensemble. Avec mon grand frère, on est loin d’être les deux doigts de la main. Je crois qu’on n’est même pas les deux doigts d’une même personne. C’est dire. On se croise, parce qu’on fait chambre commune, mais c’est tout. On ne se déteste pas. Mais je ne sais pas si on s’aime. »

Lentement, mais sûrement, Eddy et Diego nous entraînent de plus en plus dans leur monde. On prend alors plaisir à découvrir leurs projets, leurs espoirs ainsi que leur personnalité. Pourtant, le milieu dans lequel ils évoluent est dur. On ne reste pas insensible aux difficultés qu’ils rencontrent.

« Écoute ! En fait, moi, un mec qui aime les mecs… ou une fille homo, c’est pareil, moi je m’en fous. Mais ici, là, dans notre quartier, un mec comme ça, on le pourrit. Et toi, t’es mon petit frère, et j’ai pas envie qu’on te fasse du mal. Alors, si t’es homo, d’un côté je m’en fous parce que tu fais bien ce que tu veux, mais d’un autre côté, je m’en fous pas, parce qu’on va te faire du mal. »

Alors qu’une action de deal se prépare dans la cité voisine, un ensemble de circonstances amènent Eddy à ne pas pouvoir refuser son implication, alors même qu’il espérait sortir très vite du milieu. Seulement les choses ne vont pas se passer comme prévu et Diego va être parachuté dans cette affaire pour aider son frère in extremis.

La double narration alternant le point de vue des 2 frères apporte une belle dynamique au récit. Par ailleurs, il y a quelques chapitres écrits en italique qui interviennent parfois dans le texte et qui apportent du suspense. Durant ces passages, l’un des frères raconte la manière dont il traverse toute la ville pour sauver l’autre et on ne sait pas qui parle, ce qui augmente le suspense et le sentiment d’urgence chez le lecteur.

Pour ma part, j’ai été interpelée par l’image de cette famille monoparentale où la mère est comme absente. Elle est complètement enfermée dans sa bulle et occupée à regarder la télévision toute la journée. C’est à peine si elle parle avec ses enfants, ce qu’ils font de leurs journées est le cadet de ses soucis. Elle n’a pas l’air de travailler et d’entretenir son foyer, elle a l’air complètement déconnectée de la réalité.

J’ai beaucoup aimé l’histoire de ces deux frères que l’adversité va rapprocher, mais aussi sa construction avec la course poursuite qui s’enclenche dès le début d’histoire et qui amène une réelle tension. J’ai tremblé pour Jonas et Eddy, espérant que tout se termine bien pour eux.

Le +

  • J’ai bien aimé cette histoire courte et fluide au rythme haletant.
  • Le titre, la couverture et le résumé sur la 4e de couverture m’ont appelée.

Le –

  • Quelques éléments de l’histoire sont un peu trop gros pour être crédibles.
  • Les personnages secondaires manquent de consistance : l’auteur aurait pu approfondir quelques éléments comme le lien avec la sœur Angel ou celui avec la mère qui n’a rien d’autre que son écran TV.
  • Hormis le binôme, le reste est finalement encore très flou : l’histoire se passe en vase clos avec les 2 frères.

Le coin des profs

Le récit ne présente pas de difficulté de lecture et offre une belle porte d’entrée pour aborder la question du choix dans les situations précaires ou de survie.

Niveau de lecture

Débutant

Genre

Récit d’action

Mots clés

Amitié, danse, dealer, déterminisme social, famille monoparentale, fréquentations, fuite, homophobie, harcèlement, pauvreté, précarité, survie

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Au rebond, Jean-Philippe Blondel

Infos pratiques

  • À partir de 13 ans
  • Magnard
  • 173p.
  • 13,90€
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