Ne t’inquiète pas pour moi (Alice Kuipers)

Ne t’inquiète pas pour moi (Alice Kuipers)

Résumé de l’éditeur

Chaque jour, Claire et sa mère se parlent par messages interposés, de la simple note jetée, pour rappeler de ne pas oublier d’acheter le lait, au message plus personnel. Lorsque sa mère tombe gravement malade, le temps presse pour Claire. Les post-it s’accumulent, comme autant de petits mots d’amour et d’espoir.

 

Mon avis

Le plus étonnant dans ce roman est sa forme : il ne se compose que de post-it collés sur un réfrigérateur, contenant des petits mots échangés entre une mère et sa fille Claire. Au-delà des listes de courses, des demandes d’argent de poche, on sent tout l’amour et le lien très fort qui les unit, mais on sent aussi les tensions : elles ne font que se croiser, la maman étant prise par son travail dans un hôpital et la jeune fille, par l’école et ses amis.

« Bonne chance pour ton contrôle aujourd’hui, ma chérie. Désolée de ne pas être là pour le petit déj’. Des jumelles en route à l’hôpital.

La cage de Jeannot a besoin d’être nettoyée.

À ce soir.

Bises,

Maman

P.-S. : N’oublie pas ta clé ! »

J’avoue avoir été un peu déroutée au début par ce texte laconique qui évoque les petits détails de la vie quotidienne, mais petit à petit, tous ces vides se remplissent et donnent une belle densité à l’histoire, que l’on ne peut pas qualifier de récit, tellement il est morcelé.

Je suis entrée dans la lecture un peu perplexe, surtout curieuse de voir ce qu’allait donner l’originalité de la forme. J’ai trouvé que le résultat tenait la route pour 2 raisons : la première, c’est que les post-it prennent une dimension différente lorsque la maman tombe gravement malade. Elle recule le moment d’annoncer son cancer à sa fille pour la protéger, mais cette dernière n’est pas dupe.

« Maman

Hier soir j’ai regardé un DVD pour les familles des gens qui ont un cancer du sein (c’est Emma qui me l’a pris à la bibliothèque). C’est dur à écrire, mais je crois qu’il faut qu’on parle plus de tout ça. Papa dit que si on se dispute autant en ce moment, c’est parce qu’on n’a pas assez parlé. Je ne sais pas trop si je dois m’inquiéter pour toi ou si je dois juste vivre ma vie. Tu fais comme si ce n’était pas vraiment un gros problème, alors peut-être que je devrais faire pareil.

Est-ce que je me fais trop de souci, maman ? Je dors ici ce soir.

Claire »

La deuxième raison, c’est que le lecteur n’a pas accès aux rencontres qui ont bel et bien lieu entre la mère et la fille et que le lecteur peut aisément en comprendre la substance à travers les post-it qui les suivent. Les mots écrits et les non-dits invitent à établir des liens et reconstituer les morceaux de cette histoire mère-fille. Le procédé stylistique choisi par l’auteure met en évidence le manque, le silence, l’absence, la difficulté d’être ensemble et de communiquer… En même temps, il montre aussi que ce peut-être un moyen de continuer à tisser des liens quand se parler devient trop difficile.

« Je suis rentrée, j’ai lu ton mot, je suis allée à la porte de derrière, je t’ai regardée dans le jardin, et je n’ai pas pu te parler, Claire. Comment te dire que la vie n’est pas aussi belle qu’elle le devrait ? Je vais me battre. Vraiment je vais me battre. Mais je ne trouve pas la force de te répéter en face ce que m’a dit le médecin. Je suis désolée.

Je vais m’allonger.

Maman »

Entre les mots, on devine les conflits, le besoin d’indépendance de Claire, mais aussi ses angoisses face à la maladie de sa mère. Cette dernière dissimule le plus possible son inquiétude et conserve un optimisme de façade. Toute la réussite de ce « roman » réside dans la brièveté des messages échangés par les deux femmes et la pudeur dont elles font preuve.

 

Le +

  • L’histoire sonne juste, malgré le procédé formel peu usité.
  • Ce livre nous propose les émotions à l’état brut d’une relation mère-fille, parfois dans toute leur ambivalence. J’ai beaucoup apprécié la justesse du ton, cette authenticité sans fard.
  • La lettre écrite par Claire à la fin est très émouvante.

 

Le –

  • Je pense que des lecteurs peu habitués à l’inférence risquent de passer à côté de la richesse du travail de construction et de liens que les différents post-it impliquent.

 

Le coin des profs

  • Le livre fait plus de 200 pages, mais se lit très vite. Il ne présente aucune difficulté de lecture et peut être une belle porte d’entrée aux lecteurs faibles ou aux jeunes fâchés avec la lenteur de la lecture.

 

Mots clés

Lien familial, maladie, cancer, mort, adolescence

 

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Ma mère, le crabe et moi d’Anne Percin

 

Infos pratiques

  • À partir de 13 ans
  • Le Livre de poche jeunesse
  • 242p.
  • 6,60€
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