Sois belle et bats-toi (T.S. Easton)

Sois belle et bats-toi (T.S. Easton)

Résumé de l’éditeur

Voilà une fille qui boxe les clichés ! L’histoire : Fleur, 16 ans, ne prend pas grand-chose au sérieux. Lorsqu’elle débarque dans le club de boxe du coin, c’est un peu pour rire (et par défi). Mais taper dans un sac, c’est étrangement satisfaisant. Alors Fleur y retourne, pour s’améliorer, au grand dam de sa mère surprotectrice et de son petit copain qui apprécie moyennement son corps plus musclé et son appétit d’ogre. Et si casser son image de fille lisse pour suivre sa passion et monter sur le ring était le premier pas pour être libre ?

Mon avis

Dans « Sois belle et bats-toi », on fait la connaissance de Fleur, 16 ans, une ado très sympa mais plutôt nulle en sport à l’école, où Bonita et ses amies semblent vouloir la défier et la pousser dans ses retranchements. Elle a des parents qui ne sont jamais d’accord sur rien, un vieux chien qui ne sent pas la rose et deux amis atypiques et aussi sympa qu’elle, Blossom et Pip.

« Parmi les autres sujets de discussion de mes parents, on peut citer :
 • Faut-il beurrer les deux tartines d’un sandwich, ou en réserver une pour la moutarde?
 • Faut-il mettre son manteau quelques minutes avant de sortir pour « créer un matelas d’air chaud », ou au dernier moment pour « ne pas attraper froid »?
 • Faut-il mettre d’abord la crème ou la confiture sur les scones?
 • Les Pim’s sont-ils des gâteaux ou des biscuits? (« C’est écrit sur le paquet, Liz! »)
 • A-t-on le droit de corner les pages d’un livre quand on n’a de marque-page? »

Un jour, au lycée, Blossom, qui est une féministe militante, voit une affiche pour des cours de boxe et s’offusque car les cours proposés ne sont pas mixtes. Elle demande donc à Fleur et Pip de l’accompagner à la salle, où elle veut clamer haut et fort ses idées. Quant à Pip, c’est une jeune homme couard et dégingandé à mille lieues des stéréotypes virils qui suit le mouvement. Sur place, Fleur finit par discuter avec quelques membres du club de boxe et décide de venir à un cours, qui lui donne l’impression de mourir tellement sa condition physique est mauvaise.

« A ce moment-là, Ricky est venu nous saluer. Il nous a détaillés de la tête aux pieds et j’ai pensé qu’il devait être atterré par la dégaine de ses nouvelles recrues : une fille minuscule aux bras épais comme des câbles audio et un garçon-girafe roux vêtu d’un short affriolant. On lui a donné nos noms.

–        Je n’oublie jamais un nom, a répliqué Ricky, essayant visiblement de rester positif. Pas moyen de me souvenir de la date d’anniversaire de ma femme, mais je n’oublie jamais un nom.

Et il m’a serré la main en me regardant droit dans les yeux.

–        Tu as déjà fait de la boxe ?

J’ai secoué la tête.

–        Et tu viens pour apprendre à boxer, ou juste pour la mise en forme ?
–        La mise en forme, pour commencer. Après, on verra.
–        Hmm.

Il a hoché la tête. Je m’étais plus ou moins attendue à ce qu’il me rie au nez, mais s’il trouvait mes ambitions ridicules, il a réussi à garder sa réaction pour lui.

–        Et toi ? a-t-il demandé à Pip.
–        Euuh, pareil.

Ricky a serré les lèvres et de nouveau hoché la tête avant de retourner près du ring. Il m’a semblé l’entendre soupirer. Là, il a mis en marche un iPod relié à une enceinte et une horrible musique de papy est sortie des haut-parleurs. Pip et moi, on s’est regardés en se retenant de rire.
 
On a commencé par quelques échauffements : courir sur place, faire des rotations du bassin, des trucs simples. Enfin, simple pour quiconque contrôle normalement ses membres, mais presque impossible pour le pauvre Pip. Il n’avait rien d’autre à faire que courir lentement sur place, mais on aurait dit un veau nouveau-né essayant de faire le moonwalk tandis qu’on le poussait avec un bâton. Du coin de l’œil, je voyais que Joe le fixait d’un air stupéfait, la bouche ouverte sur ses gencives édentées.

–        Maintenant, on court sur place à fond pendant dix secondes ! a lancé Ricky ? En montant les genoux !

A peine avais-je accéléré la cadence que j’étais déjà à bout de souffle et que j’entendais Pip haleter à côté de moi.

–        On revient au jogging, a dit Ricky.

Mais le changement de rythme a été la goutte d’eau pour Pip, qui s’est effondré dans un enchevêtrement de bras et de jambes. »

Et comme tout le monde lui dit que cette idée de boxer est stupide et dangereuse, Fleur y retourne, même si elle n’est pas complètement à l’aise car il n’y a que des hommes. Peu à peu elle trouve dans ses séances d’entraînement un cadre dans lequel elle peut s’affirmer, s’engager dans sa vie au risque de devoir affronter des changements. J’ai bien aimé l’évolution de cette adolescente qui se laissait au début porter dans sa vie, au gré des décisions des uns et des autres. Elle découvre progressivement ce qui compte pour elle et ce qu’elle doit faire pour l’obtenir grâce à la rigueur de l’entraînement sportif. Sa force physique croît en même temps que sa force intérieure, ça fait plaisir à voir.

On pourrait qualifier cette histoire de roman d’apprentissage car elle marque la fin de l’adolescence de l’héroïne et le passage au statut de jeune adulte capable de s’affirmer et prendre ses propres décisions.

J’ai trouvé que ce roman avait de nombreuses qualités. Il est drôle parce que Fleur voit le monde avec pas mal d’ironie et d’humour et qu’elle décrit les situations avec mordant. Il est aussi contemporain car il parle du féminisme, de l’acceptation de soi, des genres, de ce que l’on est et je pense que ces lectures peuvent contribuer à faire passer des messages de bienveillance et d’acceptation de soi et des autres. Il parle également très bien de sport et de ce que l’exercice physique procure aussi en terme de confiance en soi. Personnellement, je connaissais mal la boxe et j’ai découvert à quel point ce sport nécessitait une discipline exigeante.

« – Un petit biscuit pendant que vous lisez les formulaires ? nous a proposé Sharon.
–        Pas de biscuits pour nous, merci, a décliné Blossom.
–        Moi, j’en veux bien un, a dit Pip.

Sharon nous a apporté un assortiment sur une assiette et Pip s’est servi d’un air reconnaissant. Blossom lui a jeté un regard en coin.

–        Ne me dis pas que tu vas t’inscrire ?
–        Non, l’a assurée Pip.
–        Alors pourquoi tu prends un biscuit ? a-t-elle sifflé entre ses dents. Si tu prends leurs biscuits, t’es foutu.
–        On ne parle pas d’une drogue destinée à te faire tomber insidieusement dans le système patriarcal, ai-je observé. Juste d’un fourré à la vanille.
–        Je dis juste que ce n’est pas très poli de prendre un biscuit alors qu’on n’a pas du tout l’intention de s’inscrire, a répliqué Blossom. Bon, on peut y aller, maintenant ? J’ai fait passer mon message.
–        Il n’y a pas d’urgence, ai-je objecté. Je n’ai pas fini mon thé.

Blossom s’est plongée dans son portable en soupirant, pendant que je lisais les formulaires. Il y en avait un paquet, et ils n’étaient pas particulièrement rassurants : mise en garde concernant des problèmes de santé, clauses de non-responsabilité, obligations légales, personnes à contacter en cas d’urgence ainsi qu’une liste d’ostéopathes. Je ne le sentais pas, de signer des documents qui semblaient autoriser qu’on m’inflige des blessures graves. Je n’étais pas maso.
 
Ricky avait repris la surveillance du saut à la corde et Joe est retourné s’asseoir en clopinant, visiblement soulagé.

–        Alors, mes petits champions ! a rugi Ricky. On va s’entraîner dur aujourd’hui ?

Les gamins ont hurlé un grand OUI.

–        On forme une équipe, ici, a repris l’entraîneur. On ne se moque pas des copains. Si on voit quelqu’un qui a du mal, on va l’aider. On l’encourage, d’accord ? On lui montre comment progresser. Et dernier point, ce qu’on apprend ici ne se pratique pas en dehors du club, c’est clair ?

Les gamins ont hoché gravement la tête. »

Malgré son titre quelque peu malheureux en référence à une expression bien connue, cette histoire est subtile et punchy. Fleur ne manque pas d’humour et va montrer qu’elle ne manque ni de courage ni de détermination. Ses parents vont aussi finir par accepter sa prise de risque. A la fin, elle gagne, en plus des muscles et du poids, l’affirmation de soi, de la confiance, l’acceptation de ses parents, l’amitié de Bonita et autre chose, mais je n’en dirai pas plus !

Un autre intérêt de ce roman est qu’il dénonce les stéréotypes de ce qu’on attend d’une femme. J’ai beaucoup aimé la déconstruction des idées reçues et l’invitation à accepter toutes les façons d’être une femme.

Le +

  • L’évolution de Fleur dans la boxe et dans son chemin personnel est très intéressant à lire.
  • J’ai beaucoup aimé la complicité entre Fleur, Blossom et Pip, qui s’acceptent l’un l’autre, malgré leurs différences, et qui ont des dialogues drôles et piquants.
  • Cette histoire m’a fait découvrir l’univers de la boxe et l’exigence du sport. Impressionnant !

Le –

  • La dominance de rouge sur la couverture est peu attrayante et le titre est maladroitement choisi.
  • L’histoire d’amour était assez prévisible, mais je suppose qu’elle ravira les lecteurs romantiques.

Le coin des profs

Ce récit est une belle porte d’entrée pour aborder la quête d’identité, l’affirmation de soi et les stéréotypes genrés.

Niveau de lecture

Débutant

Genre

Roman d’initiation

Mots clés

Affirmation de soi, amitié, amour, boxe, combat, différence, discipline, entraînement, féminisme, patriarcat, sport, stéréotypes

Vous aimerez ce récit si vous avez aimé…

Butterfly, Yusra Mardini

Infos pratiques

  • À partir de 13 ans
  • Nathan
  • 355p.
  • 15,95€
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